En 2013, au plus fort des manifestations contre le mariage pour les couples de même sexe, ils promettaient déjà de ne rien lâcher. Force est de constater que trois ans plus tard, les opposants à la loi Taubira appliquent encore leur slogan à la lettre. Le mouvement de la Manif pour Tous annonce ainsi, mercredi dans Le Figaro, une nouvelle journée de mobilisation le 16 octobre prochain.
Nouveaux chevaux de bataille. Au menu : "trois thématiques", explique Ludovine de La Rochère, présidente du mouvement, au quotidien national. "La remise en cause de la filiation, les atteintes à la liberté éducative et la politique familiale." Rien de très nouveau. Depuis l'adoption de la loi Taubira et son approbation de plus en plus large au sein de la société - 61% des Français étaient pour le mariage en gay en 2012, 68% en 2015, selon l'Ifop -, la Manif pour Tous s'est trouvée de nouveaux chevaux de bataille. Notamment la lutte contre la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femme, pourtant déjà interdite par la loi, contre la gestation pour autrui (GPA) - tout aussi interdite -, contre la baisse des allocations familiales ou encore l'enseignement des "ABCD de l'égalité".
Noyau dur. Ces points de discorde ont servi de catalyseur à la Manif pour Tous pour faire perdurer leurs actions bien après l'adoption du mariage gay. Le mouvement continue par exemple d'appeler à battre le pavé, comme le 16 juin dernier. Si ces rassemblements sont désormais bien loin d'attirer des centaines de milliers de personnes - à l'image de ce qui avait pu se produire début 2013 -, ils restent néanmoins révélateurs : le noyau dur de l'opposition au mariage homosexuel compte bien peser sur les débats publics.
Intervenir auprès des personnalités politiques. Plus que sur des manifestations citoyennes, la Manif pour Tous mise sur la politique pour se faire entendre. Le mouvement, qui a pris l'habitude d'organiser des "universités d'été" depuis septembre 2013, avait déjà tenté d'influer sur les élections municipales, en 2014, en soumettant une "charte" de défense "des valeurs de la famille" aux différents candidats. L'année suivante, pour les élections régionales, il avait multiplié les réunions publiques, en invitant les candidats à y prendre part. Celle qui, depuis, a été élue présidente (LR) de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse, y avait par exemple participé.
Diffusion des idées. Dans cette course à la diffusion des idées, la Manif pour Tous peut se targuer de quelques victoires. Les thèmes chers à son combat sont en effet régulièrement repris par des personnalités politiques. La manifestation du 16 juin, précisément, se tenait pour soutenir deux propositions de loi LR. L'une, déposée par la députée des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer, visait à "lutter contre le recours aux mères porteuses". L'autre, défendue par l'élu de la Manche Philippe Gosselin, prônait la constitutionnalisation du principe d'indisponibilité du corps humain.
La primaire de la droite a également donné l'occasion de constater que sur les sujets sociétaux, la Manif pour Tous a trouvé de bons relais de ce côté de l'échiquier politique. Sans surprise, Jean-Frédéric Poisson, président du parti chrétien-démocrate, veut abroger la loi Taubira. Chez Les Républicains, Hervé Mariton y est également favorable, François Fillon préfèrerait une réécriture, tandis qu'Henri Guaino martèle son opposition à la GPA.
Mais j’ai également toujours dit qu’il fallait revoir la question de la filiation et donc de réécrire la #loiTaubira sur l’adoption.
— François Fillon (@FrancoisFillon) 30 juin 2016
Le tremplin Sens commun. Pour certains militants de la Manif pour Tous, donner des idées aux autres n'est toutefois pas suffisant. Mieux vaut les porter soi-même. Certains se sont donc engagés en politique, notamment via Sens commun. Cette association politique, fondée par des membres de la Manif pour Tous et intégrée en décembre 2013 à ce qui était encore l'UMP, a permis à des militants de se retrouver sur les listes du parti. Selon ses fondateurs, "une cinquantaine" de personnes issues des rangs de Sens commun ont été élues aux municipales de 2014.
Certains membres de l'association sont également entrés dans les instances dirigeantes des Républicains. Madeleine Bazin de Jessey, cofondatrice et porte-parole de Sens commun, est ainsi aujourd'hui Secrétaire nationale en charge de l'enseignement. Catherine Giner, militante Manif pour Tous, a été nommée déléguée à la Famille par Nicolas Sarkozy en début d'année. Quant à Anne Lorne, déléguée nationale Sens commun, choisie par le président des Républicains pour devenir secrétaire nationale en charge de la petite enfance, elle s'apprête à faire campagne à Lyon pour les législatives de 2017, sous l'étiquette LR.
Investis par LR. Elle n'est pas la seule à être passée du militantisme anti-mariage gay à l'investiture. Sébastien Pilard, ancien président de Sens commun opposé à la subvention des associations LGBT et pourfendeur de la GPA, est candidat en Loire-Atlantique. Charles d'Anjou, lui, a été investi en Seine-Maritime. Enfin Hayette Hamidi, responsable Sens commun en Seine-Saint-Denis, fera campagne pour les législatives dans ce département.
Bravo à Charles d'Anjou, candidat @SensCommun_, investi sur la 10e circonscription de Seine-Maritime ! pic.twitter.com/F5PIE5SRID
— Sens Commun (@SensCommun_) 23 juin 2016
Groupuscule anti-avortement. Pour d'autres anciens de la Manif pour Tous, la prolongation du mouvement passe par la création… de nouveaux mouvements. C'est ainsi que son directeur artistique, Emile Duport, a fondé "Les Survivants", groupuscule de militants anti-avortement. Comme le raconte Metronews, le trentenaire a en outre créé plusieurs portails internet anti-IVG. Des sites nommés afterbaiz.com ou encore testpositif.com, et qui ressemblent à s'y méprendre à IVG.net, une plateforme connue pour dispenser un discours contre l'avortement sous des airs de neutralité.