Qu’il semble loin, le temps où, au soir du second tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen s’autoproclamait comme la principale opposante à Emmanuel Macron. Quatre mois plus tard, le Front national et sa présidente ont quasiment disparu des radars, minés par les divisions et par des élections législatives décevantes, quand Jean-Luc Mélenchon s’est imposé comme l’adversaire numéro un du chef de l’Etat. L’ex-finaliste de la présidentielle, qui fait - comme depuis 2012 - sa rentrée politique samedi à Brachay, a donc du travail pour reconstruire ce qui a été détruit en quelques mois en 2017. Et d’abord restaurer la confiance des militants frontistes.
Reconquérir ses militants
Voilà le chantier prioritaire. Celui, sans doute, qu’elle ne s’attendait pas à devoir mener il y a quelques semaines encore. Mais au Front national, l’image de Marine Le Pen est écornée. Par le débat d’entre-deux-tours face à Emmanuel Macron en premier lieu. Agressive à l’extrême, mal préparée sur ses dossiers, notamment économiques, la présidente du FN a manqué l’occasion de montrer qu’elle était bel et bien capable de gouverner. Au contraire, elle a fait naître le doute. Elle-même a convenu que son débat était "raté". Il faudra plus que ce mea culpa pour faire oublier cette séquence. "La question est de savoir si ce débat est indélébile ou si Marine Le Pen peut rebondir", s'interroge un de ses lieutenants auprès de l’AFP.
Il faudra aussi à Marine Le Pen trancher la ligne de son mouvement. Une question indissociable du sort de son lieutenant de toujours, Florian Philippot, qui a imposé pendant cinq ans une ligne europhobe, souverainiste et étatiste, au grand dam des libéraux du parti. Pour ré-asseoir sa légitimité, la députée du Pas-de-Calais a ouvert fin juillet le chantier de la "refondation" avec un séminaire qui a modulé, via une synthèse, le programme FN : la sortie de l'euro, qui crispe nombre de frontistes mais aussi l'électorat retraité, est désormais renvoyée à la fin d'un éventuel quinquennat. Du coup, son numéro 2 a pris du champ, notamment en créant son propre mouvement, Les Patriotes. Entre les deux inséparables d’hier, la tension monte, et Marine Le Pen devra sans doute trancher sous peu.
Quid de son leadership ? Dans ses difficultés actuelles, Marine Le Pen a une chance : le retrait de la vie politique de sa nièce. Marion Maréchal-Le Pen, ex-députée du Vaucluse, était sans doute la seule à pouvoir supplanter sa tante dans le cœur des militants. Un lieutenant concède à l’AFP, un brin fataliste: "Aujourd'hui, Marine Le Pen est la seule à pouvoir diriger le Front pour les prochaines années". Une préoccupation de moins pour Marine Le Pen, donc.
Reconquérir ses électeurs
Ce sera dans un second temps, sans doute. Car Marine Le Pen, comme les autres partis en reconstruction, a une chance : les prochaines élections, hormis les sénatoriales du 24 septembre, n’ont lieu qu’en 2019. Ce seront les élections européennes. D’ici là, Marine Le Pen a le temps d’entamer la reconstruction. Et à en croire un sondage publié jeudi par franceinfo, il y a beaucoup à faire. 52% des personnes interrogées considèrent que Marine Le Pen est un handicap pour son parti, selon cette enquête Odoxa. Et parmi eux, 67% pensent que cette détérioration est due au fait que "Marine Le Pen a raté son débat d'entre-deux tours avec Emmanuel Macron". Ce satané débat, encore lui…
La première étape pour Marine Le Pen, ce sera de contester à Jean-Luc Mélenchon la place de premier opposant à Emmanuel Macron. Car après tout, la finaliste de l’élection présidentielle, c’était elle. Sur TF1 jeudi soir, elle a débuté ce travail, en saluant "travail remarquable" des députés FN face à "l'agitation" du leader de la France insoumise. Elle a aussi dit vouloir "expliquer" aux Français dans les prochains mois la "politique néfaste" selon elle du chef de l’Etat. Mieux vaut tard que jamais, après plusieurs semaines de cure médiatique.
Gérer le dossier chaud des assistants parlementaires
C’est une épée de Damoclès pour Marine Le Pen, qui pèse sur son avenir et sur son moral. La présidente du Front national va devoir affronter dans les semaines à venir les rebondissements de l’affaire des assistants parlementaires FN au Parlement européen. Un dossier dans lequel elle est mise en examen depuis le 30 juin dernier. Après de nombreuses dérobades justifiées selon elle par la période électorale, la présidente du FN n’a pas plus longtemps pu retarder l’échéance.
Dans ce dossier, les eurodéputés FN sont soupçonnés d’avoir fait travailler des assistants parlementaires au bénéfice de leur parti. Le Parlement européen a chiffré le préjudice à près de 5 millions d’euros. L’affaire pourrait donc coûter cher au parti frontiste, qui ne roule pas sur l’or, en cas de condamnation. Sans compter le coût politique qu’aurait une condamnation de sa présidente.