Ce dernier round de consultation n'était pas le plus simple à appréhender pour le gouvernement. Après syndicats et patronat en début de semaine, Manuel Valls, a reçu cinq organisations de jeunes vendredi matin pour parler de la réforme du travail. L'Unef et la Fage, ainsi que trois syndicats lycéens, la FIDL, l'UNL et la SGL, se sont succédé à l'hôtel de Matignon et ont tenté de faire entendre leur voix. Une situation rare, puisque c'est la première fois qu'un gouvernement de gauche doit lancer une concertation avec des organisations de jeunesse depuis 1990.
Calmer le mouvement étudiant. Pour le Premier ministre, accompagné par la ministre du Travail, Myriam El Khomri, celle de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem, et le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, l'objectif était avant tout de calmer le mouvement étudiant. En effet, celui-ci a déjà fait montre de son pouvoir de nuisance mercredi. Selon l'Unef, sur les 224.000 à 500.000 personnes descendues dans la rue ce jour-là pour protester contre le projet de loi El Khomri, il y avait "plus de 100.000 jeunes". Le gouvernement n'oublie pas qu'il y a dix ans exactement, c'est la mobilisation de la jeunesse qui a porté le coup de grâce au contrat première embauche (CPE) du gouvernement De Villepin. Et veut éviter à tout prix que la réforme du travail connaisse le même sort.
"Corriger, rectifier, changer". A l'issue de ces rencontres, Manuel Valls a donc joué la carte de l'apaisement, affirmant vouloir "bâtir un compromis dynamique et ambitieux". Le Premier ministre a promis de "corriger, rectifier, changer ce qui doit l'être, lever les ambiguïtés et répondre aux interrogations qui se sont fait jour" sur la loi El Khomri. Matignon a notamment tenté de convaincre les jeunes que, contrairement au CPE, cette réforme ne les vise pas directement. Un argument qui n'a trouvé aucun écho auprès de l'Unef. Pour le syndicat en effet, le texte "aura des conséquences pour chacun d'entre nous. Les jeunes seront les premières victimes de cette précarisation de l'emploi".
Des désaccords confirmés. L'exécutif a également tenté de faire un geste envers les jeunes sur le fond, en se disant prêt à reculer sur l'allongement de temps de travail des apprentis. "Cette question a provoqué des questionnements légitimes, c'est sur la table pour retirer cette proposition", a déclaré Myriam El Khomri sur France Info jeudi. Insuffisant pour les organisations étudiantes. "Nous avons discuté sur le fond du contenu de ce projet de loi et, malheureusement, cela a simplement permis d’affirmer nos désaccords. Le gouvernement continue à nous expliquer qu’il faut flexibiliser, précariser, si on veut que les jeunes accèdent à l’emploi", a regretté au micro d'Europe 1 le président de l'Unef, William Martinet, en sortant de son rendez-vous à Matignon. "Ce discours là, c’est justement celui qu’on refuse."
De nouvelles actions à prévoir. L'Unef a donc confirmé qu'une "journée d'action" était prévue le 17 mars et qu'elle participerait à la manifestation du 31 mars, organisée également par FO et la CGT. "Si on veut le retrait du projet de loi, il y a besoin d’amplifier la mobilisation", a justifié William Martinet. Les trois organisations lycéennes sont sur la même longueur d'onde puisqu'elles ont annoncé qu'elles seraient "dans la rue la semaine prochaine".
La Fage plus réceptive. Seule la Fage, deuxième organisation étudiante derrière l'Unef, a semblé plus réceptive aux arguments de Matignon. Elle qui ne réclamait pas le retrait intégral du projet de loi a, en revanche, demandé au gouvernement de reculer sur la redéfinition du licenciement économique, les indemnités prud'homales et les mesures renforçant le pouvoir de l'employeur dans l'aménagement du temps de travail. Alexandre Leroy, président de la Fage, a indiqué à l'issue de son rendez-vous avec Manuel Valls qu'il n'avait reçu "rien de concret" de la part du gouvernement. Mais qu'il attendait "des avancées concrètes" lundi, lorsque l'exécutif présentera une nouvelle version corrigée de la loi El Khomri. "Si ce n'est pas le cas, la Fage ne se refuse en aucun cas la possibilité de mobiliser dans les dates qui ont été annoncées, notamment le 17 et le 31", a ajouté Alexandre Leroy.
Rupture avec la jeunesse. L'exécutif et les organisations étudiantes et lycéennes semblent donc dans l'impasse. Un comble, quand on se souvient que le candidat Hollande, pendant la campagne de 2012, avait fait de la jeunesse sa priorité. Après l'affaire Leonarda, l'abandon du droit de vote des étrangers ou du récépissé sur les contrôles d'identité, cet engagement semble d'ailleurs très loin. Dans une allocution jeudi, François Hollande a promis que "jusqu'à la fin du quinquennat, la jeunesse aura des ressources dégagées pour elle, parce qu'elle est notre avenir". Dernier sursaut pour éviter une rupture qui pourrait être fatale à la gauche en 2017.