Le Front national n'en a jamais fait mystère : pour financer ses campagnes électorales, le parti compte sur les banques étrangères. Une nécessité, selon ses responsables politiques, puisque les établissements français refusent de lui prêter de l'argent. Parmi celles qui acceptent de le faire hors des frontières, les banques russes ne sont pas en reste. En 2014 par exemple, la FRCB avait accordé neuf millions d'euros de prêt au parti frontiste pour renflouer ses caisses. Et cela ne s'arrête pas là.
Un prêt qui intéresse le renseignement américain. En février dernier, le FN aurait demandé 30 millions de dollars (28,8 millions d'euros) à une banque russe, selon Le Canard enchaîné du 21 novembre. Une information que Marine Le Pen a à moitié démentie auprès du Lab, mercredi. "C'est n'importe quoi. Aucun prêt n'a pour l'instant été contracté", a répondu la présidente du Front national. Ce qui ne dit pas si, oui ou non, la demande a bien été déposée.
Quoi qu'il en soit, ces tractations n'ont pas échappé aux services de renseignement américains. Le journal s'est en effet procuré le courrier que Mike Turner, élu républicain de l'Ohio, a adressé le 28 novembre dernier à James Clapper, director of National Intelligence (DNI), l'équivalent outre-Atlantique du coordinateur national du Renseignement français. Membre du Comité permanent sur le renseignement à la Chambre des représentants, Mike Turner demande au DNI "des détails supplémentaires" sur cette "vaste campagne" de financement russe. Autrement dit, son courrier "suggère de lâcher quelques espions avec l'ordre d'enquêter sur le sujet", résume Le Canard.
Un bénéfice géopolitique pour la Russie. Si les Etats-Unis s'intéressent de près aux liens entre Moscou et le Front national, c'est qu'ils craignent que la Russie en tire quelque bénéfice géopolitique. "En mai, [Marine] Le Pen a dit dans une interview qu'elle reconnaîtrait la Crimée comme un territoire russe si elle arrivait à la présidence française", rappelle Mike Turner dans sa missive. De fait, la présidente du parti frontiste avait accordé à l'époque un entretien à RT France, média pro-russe financé par le Kremlin, pour confirmer que la reconnaissance de la Crimée était dans ses projets.
Une "guerre de l'information" larvée. Le soutien possible de la Russie à un candidat à la présidentielle dans un grand pays occidental est un sujet d'autant plus sensible que, selon des conclusions de la CIA révélées dans la presse américaine, des agents russes auraient déjà œuvré pour l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis. Ils auraient notamment fourni au site WikiLeaks des milliers d'emails hackés sur la messagerie de l'adversaire de Donald Trump, Hillary Clinton. Emails que WikiLeaks avaient ensuite rendu publics pour compromettre la candidate démocrate. Pour Mike Turner, le soutien de Moscou au Front national entrerait dans la même logique : "mener une guerre de l'information contre les Etats-Unis et d'autres pays dont les intérêts contrecarrent ceux de la Russie."