La mesure emblématique du projet de loi immigration, celle concernant les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, a été remplacée dans la nuit de mercredi à jeudi par un article largement durci au Sénat, hostile à la création d'un droit automatique à la régularisation.
Un travailleur pourra prétendre à la régularisation à "titre exceptionnel"
Dans le texte initial du gouvernement, l'article 3 - supprimé mercredi soir - proposait d'octroyer un titre de séjour d'un an renouvelable aux personnes qui travaillent dans des "métiers en tension" et justifient de trois ans de présence en France ainsi que de huit fiches de paie. Il a été supplanté par un nouvel article proposé par la majorité sénatoriale de droite et du centre, "acceptable" pour le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et adopté dans la nuit de mercredi à jeudi.
Ce n'est qu'à "titre exceptionnel", et non plus de plein droit comme le prévoyait le gouvernement, qu'un travailleur pourra prétendre à la régularisation à condition d'avoir exercé pendant au moins douze mois sur les deux dernières années dans des "métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement", selon les termes de cet article 4 bis.
Le demandeur devra également justifier d'au moins trois ans de résidence ininterrompue en France pour se voir délivrer une carte de séjour "travailleur temporaire" ou "salarié" d'un an.
Une procédure qui relèverait "du seul pouvoir du préfet"
Une "procédure strictement encadrée" qui relèverait "du seul pouvoir discrétionnaire du préfet et ne créerait donc pas un droit opposable à la régularisation" pour les sans-papiers, se félicitent les rédacteurs de l'article.
La délivrance de la carte de séjour "serait en outre conditionnée à un examen par l'administration de la réalité et de la nature des activités professionnelles de l'étranger, de son insertion sociale et familiale, de son respect de l'ordre public, de son intégration à la société française, à ses modes de vie et à ses valeurs, ainsi que de son respect des principes de la République", peut-on lire.
Faire sauter le "verrou" de l'employeur
Cet article conserve, en revanche, la caractéristique centrale de la proposition gouvernementale : celle permettant aux travailleurs en situation irrégulière de déposer eux-mêmes une demande de régularisation, sans obtenir l'aval de leur employeur, qui n'y a pas toujours intérêt.
"L'important, c'est l'esprit de compromis que veut le gouvernement pour avoir l'essentiel de ce qu'il demande : une mesure de régularisation de personnes qui travaillent dans notre pays depuis très longtemps et dont les patrons (refusent de) les régulariser", a déclaré mercredi soir Gérald Darmanin.
Ce dernier a repris en substance ce qu'il avait affirmé en ouverture des débats au Sénat lundi : faire sauter le "verrou" de l'employeur permettra de faire sortir ces personnes du "joug" de certains patrons "voyous" ou "peu scrupuleux".
Aujourd'hui, pour être régularisé au titre de la circulaire "Valls" de 2012 (6.000 à 10.000 régularisations par le travail chaque année), un employé doit présenter une promesse d'embauche signée par son employeur : une procédure "moyen-âgeuse", a encore dénoncé M. Darmanin.
Si l'article 4 bis entre en vigueur après le passage du texte à l'Assemblée nationale à compter du 11 décembre, il "va créer une nouvelle circulaire", qui va "s'additionner à (la circulaire) Valls", a jugé M. Darmanin mercredi devant les sénateurs. "L'employeur n'a plus à valider la demande de régularisation du salarié, c'est au salarié de fournir les preuves de son travail", a résumé le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille.