Les débats au Sénat sur le projet de loi immigration se poursuivent. Mardi soir, les sénateurs ont adopté la transformation de l'aide médicale d'État (AME) en aide médicale d'urgence. Mais l'essentiel des discussions tournait autour du maintien ou non de l'article 3, qui prévoit la création d'un titre de séjour pour les métiers en tension.
Croix sur la création de titres de séjour pour les métiers en tension
Deux jours d'âpres débats dans l'hémicycle ont permis à la chambre haute d'imprimer un sérieux tour de vis à la réforme du gouvernement et d'aboutir à un accord en coulisses entre la droite et les centristes sur la mesure la plus crispante, l'article 3. Cette disposition visant à octroyer un titre de séjour d'un an renouvelable aux travailleurs sans-papiers dans des secteurs en pénurie de main d'œuvre sera examinée dès mercredi en fin après-midi, conformément à une réorganisation du calendrier des débats annoncée dans la nuit.
Le groupe centriste et Les Républicains, qui forment la majorité sénatoriale, ont peiné à accorder leurs violons sur cette mesure d'intégration par le travail mais leur compromis devrait mener à sa suppression. En échange, Les Républicains acceptent d'inscrire dans la loi la circulaire Valls qui donne aux préfets le pouvoir de régulariser mais en imposant un durcissement de ces critères. "L'idée est d'imposer aux préfets un examen non seulement de l’activité professionnelle mais qu'ils soient aptes à s'intégrer dans notre société, qu'ils respectent notre mode de vie, qu'ils n’aient jamais été condamnés. Je considère que c'est donc une excellente solution", a expliqué Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat.
Suppression de l'aide médicale d'État
Dans la nuit, le ministre de l'Intérieur a obtenu au Sénat le rétablissement d'une mesure d'intégration du gouvernement visant à obliger les employeurs à aménager du temps de travail à certains employés étrangers pour leur permettre de prendre des cours de français.
Mardi après-midi, droite et centre étaient déjà alignés pour voter la suppression de l'aide médicale d'État (AME), transformée en "aide médicale d'urgence" par un vote large de 200 voix pour et 136 contre. Le gouvernement, tiraillé sur ce dossier ces dernières semaines, "est très attaché à l'AME", un "dispositif de santé publique", a déclaré Mme Firmin Le Bodo, venue épauler pour ce volet Gérald Darmanin, omniprésent sur ce texte.
L'aide médicale d'urgence recentrée sur la prise en charge des "maladies graves"
L'AME prévoit depuis plus de 20 ans une couverture intégrale des frais médicaux et hospitaliers accordée aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois. L'aide médicale d'urgence votée par le Sénat, si elle entrait en vigueur, serait "recentrée" sur la prise en charge "des maladies graves et des douleurs aiguës", réduisant le panier de soins actuellement accordé à quelque 400.000 bénéficiaires.
La mesure du Sénat, qualifiée "d'article de la honte" par la gauche, intègre aussi les soins liés à la grossesse, les vaccinations et les examens de médecine préventive. La droite la justifie par les risques d'"appel d'air" que représente selon elle l'AME, ainsi que son coût : environ 1,2 milliard d'euros.
La majorité sénatoriale est donc restée fidèle à sa volonté de durcir le texte du gouvernement, déjà lui-même déterminé à faire preuve de "fermeté" sur le volet répressif, qui prévoit notamment de faciliter les expulsions des étrangers "délinquants". Le Sénat a ainsi poursuivi son entreprise dans la soirée de mardi, en rétablissant par exemple le délit de séjour irrégulier (supprimé en 2012), puni uniquement d'une peine d'amende.