Après un marathon parlementaire compliqué par le recours à l'article 49-3, c'est une nouvelle course de fond qui a commencé pour Emmanuel Macron. Car ce n'est pas tout de faire adopter une loi, encore faut-il qu'elle soit appliquée. A ce stade, seuls six décrets pour la mise en oeuvre de son texte "croissance et activité" ont été publiés. Le ministre de l'Economie n'est pas au bout de ses peines : les lobbies comptent bien sur cette nouvelle phase pour faire entendre leur voix et tenter de peser sur la rédaction des décrets.
Ce qui a déjà été fait. Où en est-on exactement ? "60% de la loi était d'application directe", a affirmé Emmanuel Macron lors d'une réunion avec des parlementaires à Bercy, jeudi. Traduction : aucun décret n'était nécessaire pour l'entrée en vigueur de mesures telles que l'encadrement des retraites chapeaux, le renforcement de la fraude au travail détaché ou encore la protection de la résidence principale des entrepreneurs individuels.
Restent donc 40% de la loi à mettre en oeuvre. Seulement 6 décrets sur les 85 prévus ont été pris à l'heure actuelle. Ils ont toutefois permis d'appliquer deux mesures emblématiques de la loi Macron : la libéralisation du transport par autocar et l'ouverture des commerces le dimanche. "Les cars Macron roulent !", s'est ainsi enthousiasmé le député socialiste Richard Ferrand, qui préside une mission de suivi de l'application de la loi, le 13 octobre sur Europe 1. Quant à l'ouverture dominicale, elle est devenue réalité à Paris depuis le 18 octobre, le préfet ayant donné son accord. Les arrêtés d'autorisation n'ont cependant pas encore été pris en province.
Ce qu'il reste à faire. Les principaux décrets attendus ces prochains mois concernent la création des tribunaux de commerce spécialisés, la réforme de l'épargne salariale ou encore l'assouplissement des plans de sauvegarde de l'emploi. Mais le gros morceau qui attend Emmanuel Macron, c'est la réforme des professions réglementées, et notamment des notaires. La loi fixe au 1er février la date limite de publication des nouveaux tarifs des notaires et de la carte des nouvelles installations.
Un nouveau bras de fer en perspective, puisque ceux-ci sont bien décidés à ne pas lâcher la pression. Ils avaient déjà assailli les députés avant l'été, et comptent bien poursuivre leur lobbying pour peser sur la rédaction des décrets. Pierre-Luc Vogel, le président du Conseil supérieur du notariat (CSN), plaide ainsi dans Le Figaro pour une "co-construction des décrets". Autre épine dans le pied d'Emmanuel Macron : ces textes doivent passer par le ministère de la Justice. Or, Christiane Taubira n'a pas caché son hostilité à certains pans de la réforme menée par son collègue de Bercy...
Des lois mises en oeuvre trop lentement. "Avant fin janvier 2016, 80% des décrets seront pris", a promis Emmanuel Macron jeudi, affirmant que le gouvernement n'avait "pas à rougir en terme de calendrier d'application". De fait, la loi Macron n'échappe pas à un phénomène récurrent en France : la lenteur de la mise en oeuvre des textes législatifs, pointée par un rapport du Sénat en juin. Selon ce document relayé par BFMTV, au 31 mars 2015, seuls 16% des décrets d'application de la loi Alur sur le logement avaient été publiés, un an après son vote au Parlement. Pour la loi Hamon sur l'économie sociale et solidaire, adoptée en mai 2014, seulement un quart des textes étaient parus.
Globalement, il y a tout de même du mieux, puisque pour l'année parlementaire 2013-2014, le taux de publication des décrets d'application a atteint 55% (c'était 14% en 2003-2004...). La loi Macron poursuivra-t-elle sur cette lancée ?