Le suspense a pris fin mercredi, à 15h15. Au lendemain de l'usage, pour la seconde fois, de l'article 49-3 sur la loi Travail, le gouvernement s'exposait au dépôt d'une motion de censure des députés de gauche mécontents de ce passage en force. Mais ces derniers ont échoué.
Les informations à retenir :
- Le gouvernement avait utilisé, mardi, l'article 49-3 pour la seconde fois sur le projet de loi Travail
- Plusieurs députés de gauche s'étaient dit déterminés à déposer une motion de censure, mais n'ont pas réussi
- Sur les 58 signatures nécessaires, seules 56 ont été recueillies
Vingt-quatre heures chrono. Après l'usage de l'article 49-3, qui permet l'adoption d'un texte sans vote, les députés avaient vingt-quatre heures pour déposer une éventuelle motion de censure contre le gouvernement. Un contre-la-montre s'était donc engagé, pour les députés de gauche décidés à en signer une, afin de récolter les 58 signatures nécessaires. Parmi eux, les communistes, les écologistes contestataires, mais aussi et surtout des socialistes frondeurs. "Je ne vois pas d'autre moyen que la motion de censure pour envoyer un signal politique fort au Premier ministre et au président de la République", expliquait mardi leur leader, Christian Paul.
C'est lui qui a reconnu, après la date butoire, que la motion avait échoué. "Une nouvelle fois, nous nous sommes battus jusqu'au bout contre le cynisme, les pressions...et la loi Travail. 56 député(e)s de toute la gauche ont accompagné cette démarche", a t-il déclaré. Dans leur motion, que BFM TV s'est procurée, les signataires dénoncent un "acte très grave" avec l'utilisation du 49-3. "Nous ne pouvons accepter cet acte autoritaire confisquant le débat démocratique."
Quatre entrants, quatre sortants. Le scénario se répète. En mai dernier, les frondeurs avaient déjà échoué à deux voix près. Mais les 56 signataires ne sont pas exactement les mêmes cette fois-ci, comme ont pu constater celles et ceux qui ont consulté la liste rendue publique. Ainsi, Alexis Bachelay (Hauts-de-Seine), Isabelle Bruneau (Indre), Yann Galut (Cher) et Laurent Kalinowski (Moselle) avaient signé la première fois, mais y renoncé. À l'inverse, Sylviane Alaux (Pyrénées-Atlantiques), Philippe Baumel (Saône-et-Loire), Nathalie Chabanne (Pyrénées-Atlantiques) et Hervé Féron (Meurthe-et-Moselle) sont des nouveaux signataires.
"Plus dure sera la chute !" Pour les signataires, la déception est rude. "Enrageant et écœurant... Plus dure sera la chute !" s'est désolé une frondeuse. Dans un communiqué, le groupe Front de Gauche a regretté "que les députés socialistes qui disaient s'opposer au texte ou même à la brutalité gouvernementale n'aient pas saisi ce seul levier institutionnel pour mettre un terme au mépris affiché par le gouvernement envers le peuple et ses représentants".
Majorité relative. Si la motion de censure a échoué, il n'en reste pas moins que le gouvernement n'a plus de majorité claire à l'Assemblée. Manuel Valls l'a d'ailleurs reconnu, mercredi. "Oui, sur un certain nombre de textes, et des textes importants, nous n'avons qu'une majorité relative. Je l'assume." Et le Premier ministre ne compte pas démissionner, en dépit des appels répétés de certains, à gauche comme à droite. "Je continuerai à gouverner avec cette majorité relative", a t-il asséné.
Pression sur les frondeurs. Avant même d'acter leur échec, les frondeurs avaient pointé des pressions de la part du gouvernement. "Les pressions et intimidations sont fortes", disait un député dans la matinée de mercredi. De fait, si une motion de censure avait été déposée, les signataires socialistes se seraient exposés à des sanctions de la part de la direction du parti. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, avait été très clair début juin : si des frondeurs venaient à voter une motion de censure de gauche, ils "ser[aient] en dehors du PS". Ce qui aurait pu notamment les empêcher de participer à la primaire de la gauche de gouvernement, et compromis leur investiture aux prochaines législatives.
La droite a renoncé. À droite, l'option de la motion de censure avait été écartée dès le début. Les élus LR en avait pourtant déposé une en mai. Mais leur chef de file, Christian Jacob, a jugé mardi qu'il fallait mettre fin à "cette mascarade". "Que Valls se débrouille avec son champ de ruines", a-t-il déclaré, donnant "rendez-vous devant les Français dans neuf mois", pour les élections présidentielles. En l'absence de motion de censure, le projet de loi Travail est considéré comme automatiquement adopté. Mais il lui reste encore une navette à faire entre le Sénat et l'Assemblée nationale. L'adoption définitive doit avoir lieu autour du 20 juillet au Palais Bourbon.