"La solution, tout de suite ? Je ne l'ai pas." L'aveu est fait, en privé, par Manuel Valls. Dans le bras de fer qui l'oppose aux syndicats et à une partie de sa majorité sur la loi Travail, le Premier ministre n'a absolument rien à négocier. "Ne vous torturez pas", ajoute-t-il. Il n'y aura ni "amélioration", ni "assouplissement", ni "réécriture", l'article 2, qui consacre l'inversion de la hiérarchie des normes, ne bougera pas. Et tout le monde, y compris Bruno "Relou" Le Roux, est prié de s'en tenir à cette ligne.
Pas de pitié pour les bloqueurs. Le gouvernement fait donc le choix de laisser pourrir le conflit. Et si cela dure jusqu'à l'Euro de football, dont le coup d'envoi sera donné le 10 juin, alors cela durera. L'exécutif y est prêt, durcissant même ses positions. Il y a quelques jours, il est allé jusqu'à demander aux compagnies pétrolières de bien appliquer les retenues de salaire pour les grévistes. Pas de pitié pour les bloqueurs, donc, et pas non plus pour les frondeurs. Ces derniers peuvent toujours espérer ou prier, Manuel Valls a dégainé le 49-3 une fois et n'hésitera pas une seconde à récidiver lorsque le projet de loi Travail reviendra à l'Assemblée, en juillet.
Matignon et l'Élysée sur la même longueur d'onde. Le Premier ministre a l'entière approbation du chef de l'État, ce qui n'est pas si fréquent dans des situations similaires. En cas de crise en effet, François Hollande reproche souvent à son Premier ministre de ne pas retenir ses coups, de nommer trop brutalement les choses. Mais sur la loi Travail, pas une divergence entre le président et le chef du gouvernement. Les mots utilisés à Matignon et à l'Élysée sont les mêmes.
Clarification politique. Car pour l'exécutif, la loi Travail est le moment d'opérer une triple clarification. Politique, d'abord, entre une gauche social-démocrate et une gauche conservatrice. Syndicale, ensuite, entre syndicats réformateurs et syndicats contestataires. Citoyenne, enfin, entre ceux qui font confiance à l'entreprise et ceux qui s'accrochent à l'État protecteur. Pour donner du sens à ce bras de fer, le couple Hollande-Valls y ajoute une dimension historique et prédictive. "Si on recule aujourd'hui et qu'il est démontré que le blocage paye, alors comment feront ceux qui nous succéderons pour réformer le pays ?", s'interroge Manuel Valls. Le Premier ministre n'attend plus que les remerciements de la droite pour son inflexibilité.