On les présente souvent comme les deux jumeaux de la politique. Et de fait, les points communs sont nombreux entre Justin Trudeau, Premier ministre canadien, et Emmanuel Macron, président français, qui se retrouvent mercredi au Canada pour le sommet du G7. Leur style et leur communication sont semblables. Mais ont soulevé des critiques similaires dans leur pays respectif.
Poules et pandas. L'un pose avec des pandas, affiche des chaussettes Star Wars et se déguise en Superman pour Halloween. L'autre publie ses vidéos sur Facebook, joue au tennis avec les champions paralympiques de la discipline et adopte une poule au Salon de l'agriculture. Justin Trudeau, Premier ministre canadien, et Emmanuel Macron, président français, se sont imposés depuis leur arrivée au pouvoir, respectivement en 2015 et 2017, comme deux as de la communication. Sortes d'héritiers de Barack Obama en la matière, ils manient avec dextérité l'art du "cool" sur papier glacé comme dans de courtes vidéos. Leur âge (46 ans pour Trudeau, 40 pour Macron) comme leur style soigneusement travaillé (élégant sans être engoncé) a souvent poussé les observateurs à dresser un parallèle entre les deux.
"Ils jouent sur leur esthétique et leur jeunesse". Et de fait, les points communs sont nombreux. "Ils incarnent l'archétype du jeune cadre dynamique qui débarque en politique", analyse Charles Thibout, chercheur à l'Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS). "C'est en cela qu'ils symbolisent l'originalité de notre époque", plus habituée à voir surgir de vieux briscards. Même si ce n'est pas tout à fait vrai, Justin Trudeau étant le fils d'un ancien Premier ministre canadien tandis qu'Emmanuel Macron a quasiment toujours travaillé aux côtés de personnalités politiques.
Quoi qu'il en soit, les deux hommes "jouent beaucoup, dans leur communication politique, sur leur esthétique et leur jeunesse", poursuit Charles Thibout. Ce qui leur permet de "donner une nouvelle coloration à une politique somme toute très traditionnelle, dans la droite ligne du néo-libéralisme des années 1970".
" Il y a un hiatus entre la communication et l'action politique. "
Communication verrouillée. Pour que cela fonctionne, il faut que ce soit maîtrisé. Justin Trudeau comme Emmanuel Macron y veillent scrupuleusement. Charles Thibout rappelle ainsi que "la communication de Trudeau est cadenassée. Il met de côté les médias traditionnels pour aller vers les réseaux sociaux. On le sait aussi proche de Mark Zuckerberg, en relations étroites avec Facebook". Emmanuel Macron, lui aussi, a beaucoup tenu à distance les grands médias au début de son quinquennat pour se confier plutôt à des sites (Konbini) ou parler directement sur Periscope ou Facebook. Avec toutes les critiques que cela peut susciter, d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique. L'accès très restreint des journalistes à la présidence française et au Premier ministre canadien ont beaucoup fait grincer la profession des dents. À tel point qu'Emmanuel Macron a consenti à quelques ajustements, notamment en choisissant de s'exprimer de nouveau à la télévision.
"Un hiatus entre la communication et l'action politique". Cette maîtrise partagée de la communication a trouvé les mêmes limites pour les deux hommes politiques. "Dans les deux cas, on leur reproche que leurs paroles ne soient pas suivies d'actes", explique Charles Thibout. "Il y a un hiatus entre la communication et l'action politique." Justin Trudeau a un retard supplémentaire par rapport à Emmanuel Macron : contrairement au président français, il n'a pas toujours su garder sérieux et prestance dans ses déplacements à l'étranger. Une visite en Inde en février dernier, pendant laquelle il est apparu "déguisé" avec des vêtements traditionnels avec toute sa famille, a porté "un coup très dur à son image", rappelle Charles Thibout. "Emmanuel Macron a, en général, davantage de stature intellectuelle que Justin Trudeau, qui donne l'impression de quelqu'un de superficiel."
L'exemple de l'écologie. Mais un exemple des limites de la communication "cool" fonctionne parfaitement pour les deux hommes : l'écologie. Emmanuel Macron avait frappé un grand coup, en juin 2017, en s'opposant à la volonté de Donald Trump de quitter les accords de Paris. Son slogan, "Make our planet great again", était devenu viral sur les réseaux sociaux. "Depuis, on a pu constater qu'il n'y avait pas de vrai projet écologiste derrière", pointe Charles Thibout. La frilosité de la majorité LREM sur l'interdiction du glyphosate, la vidéosurveillance dans les abattoirs ou l'élevage des poules en batterie par exemple, a été beaucoup critiquée par l'opposition et les associations écologistes. Quant à Justin Trudeau, Charles Thibout rappelle qu'il "a aussi défendu les accords de Paris, avant de soutenir un projet d'oléoduc en Alberta qui est très contesté".
Impopularité. Résultat : d'un côté comme de l'autre, les dirigeants politiques se heurtent à une insatisfaction grandissante. Justin Trudeau, pourtant très populaire au moment de son arrivée au pouvoir, a dépassé les 50% d'opinions défavorables pour la première fois dans un sondage en mars dernier. En France, Emmanuel Macron a atteint son niveau le plus bas dans une enquête Ifop publiée mercredi. Une nette majorité (57%) des Français disent être en désaccord avec son action.