Bientôt la fin du (faux) suspense. Manuel Valls annoncera mardi sa décision de candidater, ou non, à la mairie de Barcelone. Les fréquents déplacements de l’ancien Premier ministre en Catalogne ainsi que les confidences relayées par ses proches laissent en réalité peu de place au doute : Manuel Valls devrait bel et bien partir à la conquête de la cité catalane, avec en point de mire les élections municipales du 26 mai 2019. Une probable campagne qui soulève toutefois des interrogations d’ordre juridique vis-à-vis des mandats français du député apparenté à La République en marche. Trois questions se posent, plus ou moins dépendantes les unes des autres.
Manuel Valls peut-il être candidat à la mairie de Barcelone ?
S’il envisage sérieusement d’y aller, on peut imaginer que l’ancien Premier ministre a pris la peine de vérifier ce point de droit. Une vérification pas anodine puisque Manuel Valls serait candidat en Espagne alors qu’il ne possède que la nationalité française (né en Espagne, il a été naturalisé en 1982 et a perdu sa nationalité espagnole d’origine).
Dans les faits, rien n’empêche pourtant Manuel Valls de tenter sa chance à Barcelone. Le traité de Maastricht confère en effet le droit de vote et d’éligibilité à tout citoyen européen, à partir du moment où il réside dans l’État en question. Chaque État applique ensuite ce droit comme bon lui semble. Et, alors que la France a réservé la fonction de maire aux seuls citoyens français, l’Espagne, elle, a étendu ce droit à tous les citoyens européens. Finalement, la seule condition pour que Manuel Valls puisse être candidat aux municipales de Barcelone, est qu’il soit domicilié en Espagne, ce qui n'est a priori pas le cas.
Manuel Valls peut-il faire campagne en Espagne et rester député de l’Essonne dans le même temps ?
L’annonce de la possible candidature de Manuel Valls à Barcelone soulève déjà des indignations sur les bancs de l’Assemblée, de tous les côtés de l’hémicycle. "S'il est bien candidat, il est indispensable sur le plan démocratique qu'il annonce aussi sa démission de ses fonctions de député et d'élu municipal d'Évry et que des élections législatives soient convoquées", a réagi le député de La France insoumise Alexis Corbière. Même constat pour Marie Lebec, députée de la majorité LREM. "Il sait qu'il faudrait qu'il démissionne. On en avait discuté et il m'avait dit qu'il n'y allait pas pour perdre, donc lui-même sait qu'il prendra cette décision" de quitter l'Assemblée, a-t-elle expliqué à l'AFP.
On le comprend à travers ces propos, si Manuel Valls se porte candidat, il ferait bien de démissionner de son mandat de député. Même si, dans les faits, rien ne l’y oblige. Il n’est pas rare, en France, de voir des parlementaires délaisser l’hémicycle le temps de mener, pour eux ou pour d’autres, une campagne locale ou nationale. La campagne présidentielle de 2017 a récemment fourni de nombreux cas d’école : Jérôme Chartier, Valérie Boyer, Bruno Retailleau dans le camp de François Fillon ou Christophe Castaner et Richard Ferrand chez Emmanuel Macron, n’ont guère été assidus au Palais Bourbon début 2017.
S’il est élu, Manuel Valls devra-t-il démissionner de tous ses mandats français ?
La question qui se poserait en cas de candidature reviendrait avec une toute autre ampleur en cas de victoire de Manuel Valls le soir du 26 mai. L’article LO141-1 du code électoral, issu de la loi sur le non-cumul des mandats, stipule simplement que "le mandat de député est incompatible avec (…) les fonctions de maire", sans qu’il soit fait de distinction entre ville française et ville étrangère. "Il y a un vide juridique. La loi n’apporte pas de réponse très claire", précise, pour 20 Minutes, Romain Rambaud, professeur de droit public à l’université de Grenoble.
Plus globalement, les députés sont tenus de se consacrer pleinement à leur mandat. On imagine mal Manuel Valls devenir maire de Barcelone et continuer à s’intéresser aux débats de l’Assemblée nationale. Mais c’est surtout au niveau local que la double casquette coincerait : les députés doivent en effet tenir une permanence dans leur circonscription et s’y rendre régulièrement (en général deux jours par semaine). À moins d’avoir le don d’ubiquité, Manuel Valls ne pourra pas être à Barcelone et à Évry au même moment.