Les rangs frontistes bruissent, depuis plusieurs mois, de doutes et d'agacement. Marine Le Pen va-t-elle enfin sortir la tête de l'eau après sa défaite à la présidentielle ? "Surtout, en a-t-elle envie ?", se demandait un membre du bureau politique du FN auprès d'Europe 1 il y a trois mois. Après son échec face à Emmanuel Macron, et surtout son débat d'entre-deux tours raté, l'ancienne prétendante à l'Élysée s'était faite toute petite. Manquant la majorité des réunions en commission à l'Assemblée, se faisant rare dans l'Hémicycle ou se montrant peu attentive lorsqu'elle y intervenait.
Ce week-end, Marine Le Pen a l'occasion rêvée de se relancer lors du congrès du FN, à Lille. Seule candidate à sa réélection à la tête du parti, elle peut s'appuyer sur les remontées du questionnaire envoyé aux militants qui, selon nos informations, vont plutôt dans le sens des politiques qu'elle entend mener.
Sa ligne approuvée par les militants. Les adhérents frontistes devaient répondre à 80 questions sur des thématiques très diverses. Et certaines de leurs réponses confortent Marine Le Pen. Ainsi, ils sont une majorité à ne plus vouloir de la peine de mort, cheval de bataille de Jean-Marie Le Pen, et à lui préférer la mise en place d'une perpétuité réelle. Exactement comme la fille du "Menhir", qui avait retiré la réinstauration de la peine capitale de son programme l'an dernier.
La plupart des adhérents sont aussi pour qu'un statut soit accordé aux couples de même sexe. Ce qui renforce la position de Marine Le Pen, qui n'avait pas défilé avec la Manif pour tous en 2013-2014. Et même sur l'euro, la position de la présidente frontiste est validée : les militants y restent attachés, sans considérer que c'est une question prioritaire.
" Il faut changer l'image du parti en faisant émerger de nouvelles têtes. "
Le changement de nom sur les rails. Surtout, Marine Le Pen va pouvoir changer le nom du parti, comme elle ambitionne de le faire. La présidente frontiste a confirmé jeudi à des journalistes qu'une "courte majorité" d'adhérents s'était prononcée pour. "Rassurant", a jugé l'ex-candidate à la présidentielle, d'autant que "la question posée était assez anxiogène : elle ne faisait pas de proposition" de nouveau nom. Celui-ci sera présenté dimanche, au congrès, avant de faire l'objet d'un vote des militants par courrier.
"Il faut tout changer du sol au plafond". Ce congrès doit donc rimer avec nouveau départ pour Marine Le Pen. Fini les éternelles bisbilles avec son père : après avoir menacé de jouer les trouble-fêtes, Jean-Marie Le Pen a finalement indiqué qu'il ne se rendrait pas à Lille ce week-end. Le congrès doit par ailleurs permettre d'entériner la disparition du statut de président d'honneur dont jouit encore le "Menhir".
Après cela, la page sera définitivement tournée et il sera possible de repartir sur de nouvelles bases, veut-on croire dans l'entourage de Marine Le Pen. "Il faut tout changer du sol au plafond", martèle l'un de ses amis. "Il faut changer l'image du parti en faisant émerger de nouvelles têtes. Le nom et le logo doivent correspondre à celui d'un grand parti populaire. Et en termes d'organisation, il faut qu'on trouve quelque chose de différent…avec le moins de fonctions honorifiques possibles."
À la peine dans les sondages. Tout changer pour rebondir. Car Marine Le Pen est à la peine dans les sondages. Une enquête Kantar Sofres-OnePoint pour Le Monde, FranceInfo, LCP et Public Sénat, publiée cette semaine, montre une "dégradation de l'image du Front national" et de sa présidente. Celle-ci est certes encore vue comme une dirigeante politique volontaire par 66% des sondés, mais c'est une baisse de 14 points par rapport à l'année dernière. Seuls 16% d'entre eux considèrent que Marine Le Pen ferait une bonne présidente de la République, en baisse de 8 points.
" Marine Le Pen a pris une balafre. Et les Français aiment les cicatrices. "
"J'en ai encore envie". La présidente frontiste elle-même a semblé plus hésitante par moments, affirmant, par exemple, qu'elle n'aurait aucun mal à soutenir "quelqu'un de mieux placé" qu'elle à la présidentielle 2022. "Le jour où il y a quelqu'un de plus performant, de plus rassembleur, et qui incarne mieux que moi nos idées, je l'accompagnerai", avait-elle déclaré mi-février. Avant de remettre les pendules à l'heure sur France 3 dimanche dernier. Présider le FN, "j'en ai encore envie", avait-elle alors souligné. "Je suis là, je continuerai à me battre." Jeudi, elle a joué la carte du pragmatisme devant quelques journalistes. "Cela fait sept ans que [le FN] est en expansion. C'est long, sept ans. Qu'on puisse subir un trou d'air n'a rien d'étonnant."
Balafre. "Refonder le FN, elle en a la volonté", assure également un parlementaire FN à Europe 1. Certes, la présidentielle a mis un coup. Le débat d'entre-deux tours, surtout. "C'est comme la tête de Zidane [en finale de la Coupe du monde2006], on s'en souvient encore", a ironisé Marine Le Pen. "Mais un jour, on revisitera le débat et on verra qu'il y avait du fond derrière la forme pas à la hauteur", veut croire ce parlementaire. "Au fond, Marine Le Pen a pris une balafre. Et les Français aiment les cicatrices."