Jean-Luc Mélenchon a-t-il utilisé à l’encontre de Manuel Valls le mot qui fâche ? Depuis plusieurs jours, les deux hommes s'écharpent, l'un accusant l'autre de complaisance vis-à-vis de l'islamisme radical, l'autre de proximité avec l'extrême droite, mais un paroxysme semble avoir été atteint le 3 octobre dernier. Selon le Canard Enchaîné de mercredi, le leader de la France insoumise a, entre autres noms d’oiseaux, traité l’ancien Premier ministre de "nazi" dans une salle de l’Assemblée nationale. Il a démenti l’information jeudi sur Twitter, alors que son désormais meilleur ennemi l’a confirmée un peu plus tôt sur Europe 1, mais en évoquant des "témoins". Tentative de décryptage.
Le déroulement de la scène, selon Le Canard enchaîné
L’échange a eu lieu le 3 octobre, dans la salle de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale. C’est là que doit se réunir à 17h15 la mission parlementaire sur la Nouvelle-Calédonie. Avant la réunion, Jean-Luc Mélenchon lâche, selon Le Canard enchaîné, à propos de Manuel Valls : "Moi, je ne m’assieds pas à côté de ce nazi". Il s’éloigne, puis lâche plusieurs insultes. "Tu n’es qu’une ordure ! Un pauvre type ! Une merde". L’ex-Premier ministre réplique : "Mais tu es complètement fou ! Tu vas te calmer !". Intervient alors David Habib, député PS des Pyrénées-Atlantiques et proche de Manuel Valls. "Arrête ton numéro. Tu es vraiment un connard", lâche l’élu.
Le problème, c’est qu’aucun enregistrement audio ou vidéo n’est là pour confirmer la scène. Et que, semble-t-il, personne d’autre n’était présent autour des deux hommes quand la fameuse phrase "Je ne m’assieds pas à côté de ce nazi" a été prononcé. La suite de l’échange a en revanche été confirmée.
Mélenchon dément, Manuel Valls confirme
Jean-Luc Mélenchon a laconiquement mais fermement démenti avoir traité Manuel Valls de "nazi" via un tweet lapidaire jeudi matin.
Je n'ai dit ni ne pense que Valls soit nazi. Il est en perdition politique.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 12 octobre 2017
Si le leader de la France insoumise a lancé un tel message, c’est que plus tôt dans la matinée, Manuel Valls, invité d’Europe 1, avait assuré que le mot "nazi" a bien été prononcé. Avec, toutefois, une précision d’importance. "Je ne l’ai pas entendu, mais il l’a dit selon différents témoins", a assuré le Premier ministre. "Mais devant moi, il a proféré de nombreuses insultes", a-t-il précisé.
Les imprécisions de David Habib
Le problème, pour le député de l’Essonne, c’est que cette affirmation entre en contradiction avec le témoignage de David Habib. "Ils étaient assis aux deux extrémités de la salle. Valls m'a rapporté que Mélenchon aurait commencé par dire 'Je ne m'assois pas à côtés de ce nazi'", a raconté le député PS au Lab, mardi. L’élu n’a donc pas entendu lui-même le mot "nazi", c’est l’ancien Premier ministre qui le lui aurait rapporté. David Habib confirme pourtant par ailleurs avoir entendu "le torrent d’insultes" de Jean-Luc Mélenchon, qui était selon lui "dans une folie. "Il confirme aussi l’avoir traité de "connard".
David Habib est plus évasif encore le lendemain. "Vous devez comprendre que ça s'est passé en quelques secondes et que j'ai été saisi par la violence du propos. Sur le mot nazi, je ne sais plus s'il l'a répété ou si c'est Manuel qui m'a glissé à l'oreille avoir été traité de nazi", explique-t-il mercredi au Huffington Post. Là encore, il affirme que c’est l’ex-Premier ministre qui lui a assuré avoir été insulté de "nazi". Le même Manuel Valls qui pourtant affirme n’avoir pas entendu le mot de la bouche de Jean-Luc Mélenchon.