Nicolas Sarkozy a décidé de muscler son discours, c'est désormais une certitude. Entre un Alain Juppé au top dans les sondages et un Front national plus que jamais menaçant, le patron des Républicains a senti le besoin de droitiser son positionnement. Alors après avoir mis la question de l'islam sur la table, il souhaite désormais un débat sur le droit du sol. Et les mots employés pour aborder la question des migrants - comparée à une fuite d'eau incontrôlable - ont choqué la majorité, et même au delà.
"Les conditions d’accès à la nationalité doivent être revues". Jeudi soir à l'Isle-d'Adam (Val-d'Oise), l'ancien président de la République a brocardé la proposition de la Commission européenne de répartir les demandeurs d'asile entre les pays de l'Union dans les termes suivants : dans "une maison, il y a une canalisation qui explose, elle se déverse dans la cuisine. Le réparateur arrive et dit, j'ai une solution : on va garder la moitié pour la cuisine, mettre un quart dans le salon, un quart dans la chambre des parents et si ça ne suffit pas, il reste la chambre des enfants".
Une sortie digne d'un one man show, qui a fait son petit effet dans la salle. Et, le même jour, son fidèle bras droit Brice Hortefeux, dans un entretien au Monde, assurait que "les conditions d’accès à la nationalité doivent être revues". Tout sauf une coïncidence.
Traiter avec "gravité" et "maîtrise" la question des migrants. Vendredi, dès qu'elle a pris connaissance du nouveau "sketch" de Nicolas Sarkozy – désormais adepte de l'exercice "humoristique" depuis son retour en politique -, la gauche est montée au créneau. François Hollande lui-même, a réagi aux propos tenus par Nicolas Sarkozy au cours d'une conférence de presse, lors de son déplacement à Bratislava, en Slovaquie. Le président de la République a appelé "tout le monde" à faire preuve de "gravité" et de "maîtrise" dans les débats sur l'immigration.
"Un manque de respect pour les Français". Manuel Valls a, quant à lui, estimé que "la vie politique mérit(ait) mieux que ces phrases stigmatisantes et qui ne sont pas au niveau". Pour Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement interrogé sur iTELE, "sur la forme, c'est un manque de respect à la fois, évidemment, pour les personnes concernées (…) mais c'est aussi un manque de respect pour les Français".
Lors de la conférence de presse de clôture d'un sommet régional à Bratislava, François Hollande a lui aussi été interrogé sur les propos de son prédécesseur : "quand il s'agit de personnes, d'êtres humains, quand il y a des sujets aussi graves, je crois que ça vaut pour tout le monde, il faut les aborder et les évoquer avec gravité et donc avec maîtrise", a déclaré le chef de l'État".
La ministre de l'Education Najat Vallaud-Belkacem a quant elle regretté sur France 2 "que Nicolas Sarkozy se retrouve dans une telle fuite en avant, dans une telle course derrière l'extrême droite. Je vous avoue que ça me consterne". Le chef de file des députés PS Bruno Le Roux ne dit pas autre chose.
Atterré par le nouveau sketch de #Sarkozy sur les migrants et la fuite d'eau. Quand le rire gras accompagne la xénophobie...
— Bruno Le Roux (@BrunoLeRoux) 19 Juin 2015
Plus surprenant, le centriste Yves Jego, ancien ministre du gouvernement Fillon, a lui aussi appelé à "élever le débat", en jugeant sur Sud Radio qu'on ne peut pas "traiter les migrants n'importe comment pour se faire applaudir en meeting".
En marge de sa visite au salon du Bourget, Jean-Luc Mélenchon, pourtant plus habitué à taper sur la gauche au pouvoir – "Manuel Valls au Bourget. Il vient chercher un moyen de transport pour le prochain match de foot ?" -, a cette fois dénoncé les propos de Nicolas Sarkozy sur son compte Twitter, avec ce sens de l'ironie qui le caractérise sur le réseau social :
Chance : si #Sarkozy a une fuite de cerveau, il ne peut pas y en avoir partout.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 19 Juin 2015