C’est une affaire qui fait réagir l’ensemble de la classe politique. Plusieurs marques de prêt-à-porter, et au moins un grand créateur de mode, lancent des gammes de vêtements à l’attention des femmes voilées. "Une mode islamique", supposée être en adéquation avec le souci de pudeur de l’Islam, mais qui pour beaucoup de responsables politiques, de gauche comme de droite, est motivée par l’appât du gain au détriment de la condition féminine. La philosophe et féministe Elisabeth Badinter a appelé samedi dans Le Monde au boycott de ces enseignes, quatre jours après que Pierre Bergé ait dénoncé sur Europe 1 une affaire de "fric".
Les marchands du temple. "Dans la religion catholique il y a une image que tout le monde connaît : Jésus qui chasse du temple les marchands. Dans cette histoire, les marchands ont envahi le temple, c'est-à-dire que vous avez des marchands qui se sont approprié la religion musulmane pour en faire du fric", a déclaré dimanche Jean-Luc Mélenchon dans Le Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI. Le candidat à la présidentielle et fondateur du Parti de Gauche a également pris la défense de Laurence Rossignol, la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droit des femmes qui avait comparé les femmes choisissant librement de se voiler au "nègres américains qui étaient pour l’esclavage": "Ce n'est pas le bon exemple à donner, parce que [...] c'est offensant. Mais, de grâce, qu’on n’aille pas prendre cet argument-là pour aller justifier le fait que la mode islamique serait une bonne chose."
Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le parlement, dénonce lui aussi sur France 3 l’attrait financier : "Moi, ce qui me choque, c'est la récupération opportuniste d'un certain nombre de grandes marques commerciales qui ont une attitude non éthique, où le commerce l'emporte sur toute autre considération". Même son de cloche chez un autre secrétaire d’Etat, Thierry Mandon : "Ceux qui font du business n’ont pas besoin de venir à l’aide de ceux qui font pression sur les femmes", a-t-il commenté sur RFI.
Pas de boycott pour la droite. À droite également, l’indignation gronde. Le parti Les Républicains a salué lundi lors d’un point presse "l’appel à l’insoumission" d’Elisabeth Badinter. "Nous n'avons pas vocation à appeler directement, ici, au boycott des marques qui font commerce de cette mode islamiste, mais nous pensons que chacun doit prendre ses responsabilités", a déclaré Guillaume Larrivé. Bruno Le Maire a dénoncé une véritable "dérive ". "Les femmes en France sont visibles, cela fait partie de notre culture. La place des femmes ne se discute pas, ça ne se négocie pas", a-t-il martelé sur BFM TV. Plus radicale, Nadine Morano appelle "toutes les femmes mais aussi les hommes attachés à la liberté des femmes à accompagner ce mouvement de rejet de ces marques occidentales indignes !" L’eurodéputée estime dans un communiqué : "De nombreux musulmans veulent nous imposer leurs lois islamiques et nous effacer du paysage. Nous ne laisserons pas faire."
"Loi du commerce". Sur son blog, Marine Le Pen pointe la "loi du commerce". "Cette prétendue 'mode islamique' est la triste conséquence de la rencontre entre la loi du profit, et l’extension jamais interrompue du communautarisme dans notre société. L’appât du gain amène aujourd’hui les marques à faire l’apologie de ces vêtements qui enferment les femmes dans un statut d’être inférieur", écrit-elle.
Ouverture. Au milieu de ces nombreuses condamnations, la voix de François Bayrou porte un avis plus nuancé. Sur BFM TV, le maire de Pau a déploré la vision "occidentale" du débat : "[…] Il y a des centaines de millions de femmes dans le monde qui vivent selon les coutumes que l'on appelle d'islam et qui sont des coutumes dans lesquelles on couvre le corps. Elles vivent comme cela dans leur société à elles. Que la mode s'y intéresse, comment voulez-vous que ce ne soit pas le cas ?". Il ajoute : "On pourrait soutenir l'idée que, du fait que la mode s'y intéresse, peut-être y a-t-il une ouverture, une autre manière de voir les choses, quelque chose qui n'est plus seulement dans l'enfermement ! C'est une polémique que je ne comprends pas bien."