C'est l'un des scrutins les plus observés de ces élections municipales. Deuxième ville de France en nombre d'habitants (870.000), Marseille offre une situation inédite pour l'échéance des 15 et 22 mars : le maire depuis 1995, Jean-Claude Gaudin, a décidé de ne pas briguer un cinquième mandat à la mairie centrale de la cité phocéenne. Et pour succéder à l'édile LR, huit candidats sans renommée nationale incontestable se présentent dans une compétition qui s'annonce ouverte. Si la ville quittait le giron de la droite, ce serait une véritable prise de guerre pour le parti vainqueur.
Un mode de scrutin particulier
Avec Paris et Lyon, Marseille est la troisième ville de France dans laquelle des conseillers municipaux et d'arrondissement sont élus en lieu et place d'une liste, comme c'est le cas ailleurs. Pour compliquer un peu plus le tout, il y a une particularité à Marseille : la ville est divisée en huit secteurs, chacun regroupant deux arrondissements. Chaque secteur a un nombre de sièges de conseillers à pourvoir selon sa population. Au total, 303 conseillers seront élus par les habitants les 15 et 22 mars. Pour chaque secteur, deux tiers des conseillers seront des conseillers de secteurs, tandis que le tiers restant revient aux conseillers municipaux. Ce sont ces derniers (303 moins 202, soit 101 conseillers municipaux) qui éliront le ou la maire de la ville. Enfin, chaque conseil de secteur élira son conseiller de secteur.
Une campagne ouverte sans grand favori
Quelle est la photographie actuelle des forces en présence et des dynamiques partisanes à Marseille ? Difficile de le dire avec précision : la dernière enquête d'opinion officielle, réalisée par l'institut Ipsos, a été publiée le 17 janvier. Depuis, plusieurs études officieuses ont circulé, notamment fin février, mais les autorités ont récusé les chiffres avancés un temps par franceinfo, qui les attribuait aux Renseignements territoriaux.
Dans le sondage Ipsos de mi-janvier, la liste menée par la candidate Les Républicains, Martine Vassal, était en tête avec 23% des intentions de vote. Adoubée par le président de la région Paca, Renaud Muselier, et de Jean-Claude Gaudin, la présidente du département et d'Aix-Marseille-Métropole a pourtant décidé de ne pas s'approprier totalement le bilan du maire sortant, très contesté (voir plus bas). Elle doit aussi faire face à la dissidence du sénateur local Bruno Gilles, qui pourrait lui faire perdre de précieuses voix au premier tour.
Cette même enquête Ipsos montrait aussi le poids local du Rassemblement national, dont la liste conduite par le sénateur et maire du VIIe secteur Stéphane Ravier était créditée de 22%. Sans grosse réserve de voix, la liste "Faire briller Marseille" va tenter d'arriver en première position le 15 mars au soir pour créer la dynamique en vue du second tour. Une victoire à Marseille aurait déjà des allures de scrutin réussi pour le parti d'extrême droite.
Derrière, les appétits s'aiguisent, avec en embuscade le Printemps marseillais d'union de la gauche conduit par Michèle Rubirola (16%), la liste EELV de Sébastien Barles (14%). En revanche, la liste La République en marche d'Yvon Berland, médecin et universitaire, semble plutôt en position d'outsider que favorite (8% selon ce même sondage). Candidate en 2014, la sénatrice ex-PS Samia Ghali l'est également cette année.
Les grands thèmes de la campagne
La campagne des municipales à Marseille est marquée par l'importance accordée au sujet du mal-logement. Dans une ville encore traumatisée par l'effondrement de trois immeubles vétustes dans la rue d'Aubagne, qui avait fait huit morts en novembre 2018, les propositions des candidats sont particulièrement scrutées en matière d'habitat. Tous les candidats imputent à la liste LR de Martine Vassal la responsabilité de la politique de Jean-Claude Gaudin sur le sujet.
Dans l'ensemble, le bilan du maire, déjà frappé du sceau de l'immobilisme selon ses opposants, est lourdement critiqué par la grande majorité des candidats, qui veulent tourner la page d'un règne de 25 ans. La question des finances locales s'est elle aussi invitée dans la campagne, alors que la chambre régionale des comptes a étrillé fin novembre la gestion budgétaire de la municipalité.
Si la sécurité occupe une bonne place dans les programmes des huit candidats, le thème de la propreté n'est jamais loin, avec une ville qui a la réputation d'être sale. Globalement, et sans doute plus ici que dans d'autres grandes villes, les candidats misent plus généralement sur le changement, alors que 57% des Marseillais considèrent le bilan de la municipalité sortante "médiocre" ou "mauvais", selon un sondage Ipsos.