C'est une véritable partie de ping-pong qui s'est engagée entre Anne Hidalgo et l'exécutif. Au cœur du match : les migrants qui vivent actuellement dans des conditions extrêmement précaires à Paris. Ils sont plus de 2.300 à s'abriter dans des campements de fortune, ce qui pose des questions morales autant que de sécurité. Mais derrière ce sujet brûlant se joue en réalité autre chose. En tirant à boulets rouges sur la maire de Paris, LREM installe d'ores et déjà le décor de la bataille des municipales de 2020.
Bataille rangée depuis le 27 mars. Le 27 mars dernier, Anne Hidalgo avait envoyé un courrier au ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, dans lequel elle le mettait en garde sur la "densité des campements" de migrants dans certaines rues de la capitale, qui engendre "des risques très significatifs de noyade". Après deux noyades, la maire de Paris avait de nouveau interpellé l'État, début mai. Cela lui avait valu une sèche réponse de Beauvau qui, dans un communiqué, lui avait rétorqué que "la commune reste garante de la salubrité et la propreté de son espace". Surtout, Gérard Collomb avait demandé à l'édile d'"entamer des procédures judiciaires" si elle voulait que l'État intervienne pour évacuer les campements.
C'est cette question juridique qui est au cœur des différends entre Anne Hidalgo et l'exécutif. Si le second estime qu'il faut absolument que la maire porte plainte pour que les forces de l'ordre puissent ensuite intervenir, l'élue socialiste, elle, argue que cela n'a jamais été nécessaire par le passé. En outre, le gouvernement ne cesse de pointer que c'est bien à la Ville qu'incombe la responsabilité de trouver des hébergements d'urgence.
Ces bisbilles ont connu un nouveau rebondissement mercredi soir, lorsque Beauvau a annoncé que "face à l'ampleur prise par les campements à Paris", une "opération d'évacuation" allait être menée "à bref délai". Dans son communiqué, le ministère de l'Intérieur s'attaque une nouvelle fois à Anne Hidalgo. "Cette situation se répétera indéfiniment si des mesures ne sont pas prises par les autorités locales pour éviter que les campements ne se reconstituent", est-il écrit. Gérard Collomb "regrette" par ailleurs que l'édile refuse de "demander l'évacuation de son domaine public".
" Je crains qu'il y ait un certain nombre de calculs politiciens de la part du ministère de l'Intérieur. "
Derrière les migrants, la bataille de Paris. Si la question des migrants présents à Paris est indéniablement un véritable enjeu, il semble néanmoins que cette bataille rangée en augure une autre, plus lointaine mais déjà présente dans tous les esprits : les municipales de 2020. Jusqu'ici, Anne Hidalgo, qui figure parmi les cibles préférées de la droite et l'extrême droite, était relativement épargnée par LREM. De son côté, la maire évitait aussi toute critique trop acerbe, elle qui avait pourtant été si virulente au moment du vote de la loi Macron sur le travail le dimanche. En mars dernier, Anne Hidalgo avait même jugé dans Libération qu'elle était "dans une démarche de co-construction" avec l'exécutif. Cette question de l'évacuation est donc le premier sujet sur lequel la majorité et la maire de Paris s'opposent frontalement.
"Calculs politiciens". Pour certains proches d'Anne Hidalgo, il n'y a pas de coïncidence. "Je crains qu'il y ait un certain nombre de calculs politiciens de la part du ministère de l'Intérieur", s'est agacé Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris, sur BFM TV. Le fait que Benjamin Griveaux, pressenti pour être candidat LREM en 2020 dans la capitale, en rajoute une couche jeudi matin sur Europe 1, n'a fait que conforter les partisans d'Anne Hidalgo. "Seule la maire de Paris avait l'autorité pour demander au préfet de police d'évacuer. Nous nous substituons à son rôle car elle n'a pas pris la responsabilité politique [de le faire]", a déclaré le porte-parole du gouvernement.
Des "éléments de langage", selon Colombe Brossel, adjointe à la Mairie de Paris en chargé de la Sécurité et de la Politique de la Ville. Et l'impression que la campagne des municipales démarre maintenant. Si, au sein de LREM, deux courants coexistaient jusqu'ici, avec d'un côté les partisans d'une alliance avec Anne Hidalgo et de l'autre ceux qui militaient pour la présentation d'un candidat estampillé parti présidentiel, les seconds semblent l'avoir définitivement emporté. Le fait que la maire chute dans les sondages, au profit de Benjamin Griveaux, n'y est peut-être pas étranger. "On ne peut pas aujourd'hui se présenter avec elle", confirme à Europe1.fr un pilier de la majorité, qui avance des divergences de vision pour Paris. "Et Benjamin est le mieux placé pour y aller."