Il avait dit non à Jacques Chirac, à Nicolas Sarkozy, à François Hollande ; il a dit oui à Emmanuel Macron. Nicolas Hulot a été nommé mercredi ministre de la Transition écologique dans le premier gouvernement Philippe, pour ce qui sera sa première expérience au sein d’un gouvernement. Jusqu’alors, l’ancien animateur télé, devenu figure de proue de l’écologie, avait toujours refusé des postes trop exposés. Il avait aussi reculé devant l’obstacle en juin 2016 au moment de se présenter à l’élection présidentielle, alors que les sondages lui promettaient le meilleur. Emmanuel Macron réalise donc là un gros coup en ralliant un homme populaire malgré son caractère secret.
- Sa spécialité : l‘éminence grise
Car c’est dans l’ombre que Nicolas Hulot s’épanouit, du moins quand il s’agit d’action politique. Il est ainsi un célèbre animateur du non moins célèbre magazine Ushuaïa, sur TF1, quand il créé parallèlement en 1990 la Fondation Ushuaïa, devenue en 1995 la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l’homme. C’est par son biais qu’il tente, plus discrètement, d’influencer les actions des hommes au pouvoir. Le premier à se rapprocher est Jacques Chirac, croisé à la fin des années 1990. Si Nicolas Hulot refuse sa proposition d’entrer au gouvernement en 2002, il l’accompagne au sommet de la Terre de Rio en décembre de la même année, et devient un visiteur du soir du président de la République.
Rupture avec Sarkozy. En 2007, il hésite une première fois de se présenter à l’élection présidentielle, mais tergiverse et finit par renoncer. Il impose néanmoins aux candidats la signature d’un Pacte écologique. Nicolas Sarkozy est élu, et son premier chantier est le Grenelle de l’environnement, dont Nicolas Hulot, via sa fondation, est l’un des grands acteurs. Il refuse là encore un ministère, et les deux hommes se brouillent après le refus du chef de l’Etat de mettre en place une taxe carbone. La rupture est définitive quand en 2010, au Salon de l’agriculture, Nicolas Sarkozy lance que l’environnement, "ça commence à bien faire".
Troisième et dernier refus d'un ministère. Nicolas Hulot décide alors de se lancer dans la présidentielle via la primaire d’Europe Ecologie-Les Verts organisée en 2011, l’année où prend fin sa carrière d’animateur. Mais il s’incline face à Eva Joly - et face à un appareil du parti hostile. L’échec est douloureux, mais qu’à cela ne tienne. Il se rapproche du nouveau président de la République François Hollande, dont il devient en décembre 2012 "envoyé spécial pour la protection de la planète". Cette mission culmine, et prend fin, lors de la COP 21 organisée en décembre 2015 à Paris. En février 2016, il refuse une troisième - et dernière fois - de se voir confier un grand ministère de l’Écologie. Faute de garanties suffisantes sur plusieurs dossiers sensibles.
- Des dossiers chauds, des frictions potentielles
Si Emmanuel Macron a fini par vaincre les réticences de Nicolas Hulot, c’est d’abord parce que les deux hommes partagent la volonté de dépasser les clivages traditionnels. L’écologiste s’est toujours voulu transpartisan. Il ne s’est par ailleurs jamais montré convaincu par le positionnement de l’écologie politique incarnée par EELV. L'ex-animateur télé assume par exemple un nécessaire "dialogue avec le monde économique", et sa fondation est parrainée par des grandes entreprises, comme L’Oréal, EDF, TF1, ce qui lui vaut nombre de critiques de la part des Verts. Il incarne donc un écologisme teinté de libéralisme.
Entre les deux tours, "pas un vote d'adhésion". Un positionnement qui instaure une proximité presque naturelle avec Emmanuel Macron. Toutefois, les sujets potentiels de friction avec le président de la République ne manquent pas. Entre les deux tours de la présidentielle, Nicolas Hulot avait indiqué dans une tribune publiée dans Le Monde qu’il voterait pour Emmanuel Macron d’abord pour faire barrage au FN. "M. Macron, ce vote de raison et de responsabilité au deuxième tour vous oblige plus qu’il nous oblige. Il ne s’agit en aucun cas d’un chèque en blanc et encore moins d’une adhésion sans réserve à votre projet, qui sous bien des aspects n’a pas pris la mesure de l’exigence de solidarité dans laquelle se trouvent le pays, l’Europe et le monde ", écrivait-il.
Les points chauds. Par ailleurs, quand il avait refusé de rentrer au gouvernement en 2016, c’était faute de garanties sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes d’une part, et sur le traité de libre-échange avec le Canada (Ceta) d’autre part, auxquels le chef de l’Etat est favorable. Il plaidait aussi pour une fiscalité écologique, dont le candidat Macron n'avait pas dit grand-chose pendant la campagne. L’avenir dira si le désormais ministre de la Transition écologique a obtenu des assurances sur ces sujets.
Sur l’énergie, qui entre dans le champ de son ministère, il pourrait s’opposer cette fois au Premier ministre Edouard Philippe, ancien lobbyiste chez Areva - donc favorable au nucléaire -, et qui s’est opposé à la fermeture d’une centrale à charbon au Havre. Le couple exécutif devra donc gérer avec doigté un ministre d’Etat qui a probablement été difficile à convaincre. Et qui pourrait ne pas hésiter à reprendre sa liberté si la fonction lui pèse.