Pour la seconde fois, lundi matin, la "Nuit debout" a été évacuée de la place de la République par la police. Pour autant, les manifestants comptent bien encore s’y retrouver pour une douzième nuit. Après avoir déposé une nouvelle déclaration de manifestation, ils devraient de nouveau occuper les lieux lundi soir.
Évacuation. L’initiative, qui échappe aux schémas traditionnels de contestation, continue de fasciner un certain nombre de politiques de gauche qui se sont faufilés en nombre la semaine dernière au milieu des tentes et des stands. Lundi, les soutiens étaient encore nombreux à gauche. "Ça rassemble des gens qui ont envie de discuter et de prendre du temps pour discuter librement, donc on voit mal pourquoi cette évacuation a été décidée", a déploré Pierre Laurent, le patron des communistes, sur LCI. "Je souhaite que ces débats pacifiques puissent continuer ce soir", réclame Aurélie Filippetti au micro de RTL. Pour l’ex-ministre de la Culture, "Nuit debout" fait désormais "partie du débat démocratique."
Prudence au gouvernement. Mais pour le reste de la gauche, et en particulier l'exécutif, l'intérêt bienveillant des premiers jours semble avoir laissé place à une certaine prudence après les incidents du week-end, mais aussi devant ce qui reste comme un objet politique non identifié. "Il y a cette nouvelle mobilisation démocratique, il faut y être attentif", a estimé la ministre du Travail Myriam El-Khomri sur Europe 1, qui rappelle que "la liberté de manifester n'est pas la liberté de casser ou d'agresser". C’est l’opposition à sa loi qui a été le vecteur de la mobilisation le 31 mars dernier. Depuis, le mouvement revendique un champ de protestation bien plus large.
Pour Ségolène Royal, interrogée sur RTL, "il ne faut pas tout mélanger : il y a une partie des jeunes qui viennent pour casser, il y a une partie de jeunes bienveillants qui viennent là pour partager." "Il y avait au début des vrais manifestants qui défendaient un certain nombre de principes […] aujourd’hui nous sommes passés à un autre stade. Les manifestants sont totalement débordés par des groupes qui sont connus et reconnus", a affirmé pour Itélé Pierre Aidenbaum, maire PS du IIIe arrondissement.
Séparer le bon grain de l’ivraie donc, et s’assurer que les casseurs ne mettent pas la main sur une démarche citoyenne et pacifiste. Une position également défendue par Jean-Christophe Cambadélis. "Il faut le tolérer mais l'encadrer", juge le premier secrétaire du PS sur France Info. La semaine dernière, il avait rendu visite incognito aux manifestants, voyant dans leur démarche "le printemps de la repolitisation". Lundi, le député de Paris estime que "depuis quelques jours la violence s'est invitée". Il proposer que des "CRS debout" soient mobilisés "pour faire en sorte que les violences ne viennent pas perturber ceux qui veulent discuter". Une mesure qui paraît pourtant difficile à appliquer à l’heure où l’essentiel des forces de l’ordre est encore mobilisé par l’état d’urgence.
Et l’état d’urgence ? Pour la droite, dénonçant largement les violences qui ont émaillé le cortège de samedi contre la loi Travail, l'occupation de la place de la République est incompatible avec l’état d’urgence. Choqué, François Fillon a dénoncé "le spectacle des policiers insultés par les manifestants alors qu’il y a deux mois la France communiait avec sa police", lors du Grand Rendez-vous Europe 1, Le Monde, i-Télé. "Nuit debout va totalement à l'encontre de l'état d'urgence", a également martelé Christian Estrosi, président de la région PACA, au micro de Sud Radio. "Il faut faire respecter la loi d'autant plus dans un état d'urgence. Chacun mérite le respect mais pas de dictature de la minorité", a déclaré Bruno Le Maire sur France Inter. Pour le candidat à la primaire LR, "Nuit debout" ne doit pas être "la seule incarnation de la jeunesse française".