Traditionnellement, la période entre Noël et le jour de l’An est un moment où les agendas sont allégés, et les ministres et les parlementaires au repos. Mais pas cette année. Le conseil des ministres extraordinaire qui se déroule ce lundi après-midi, en visioconférence, mobilise le gouvernement. Cette trêve des confiseurs aura en effet été de courte durée. Sur Europe 1, l'éditorialiste Rémi Godeau décrypte les conséquences de cette flambée de l'épidémie pour Emmanuel Macron.
Le théorème de la dinde
Cette trêve aura duré trois jours. Et rappelez vous, comme l'expliquait Nicolas Beytout vendredi dernier, selon le fameux théorème de la dinde défendu par des experts en politique, pour gagner l'élection, il faut être le sujet central du réveillon. A priori, Omicron a pimenté l'entrée, le plat et le dessert, laissant peu d'espace pour les discussions politiques. Et le branle bas de combat de ce lundi, l'accélération générale, démontre s'il le fallait, que le patron, c'est Omicron.
Rappelez-vous aussi, c'était deux jours avant le début des vacances scolaires : l'intervention d'Emmanuel Macron sur TF1. Une sorte de bilan, une manière de nettoyer le costume présidentiel de ses tâches. Petites phrases maladroites, réformes oubliées et autres scandales. Conçue avant la lame de fond Omicron, programmée après une conférence de presse sur l'Europe, cette émission très politique était une séquence charnière dans l'articulation des trois agendas présidentiels.
Trois agendas présidentiels pour un seul président
Il y a d'abord l'agenda du président de la République, celui qui a promis aux Français de gouverner jusqu'au dernier quart d'heure. Puis l'agenda du président du Conseil de l'Union européenne à compter de ce 1er janvier. Et enfin, surtout, l'agenda du candidat. Ces trois calendriers s'entremêlent et toute la stratégie d'Emmanuel Macron consiste à maîtriser cet éphéméride électoral sous contrainte. Cette présidence européenne, par exemple, est une opportunité pour le candidat qui entend, comme en 2017, s'afficher en pro-européen. Mais elle interdit aussi toute candidature jusqu'à son grand discours devant le Parlement européen, le 19 janvier. Enfin, ce savant agencement des agendas, c'était avant que la flambée des cas de Covid ne bouscule toute la campagne présidentielle.
Mais c'est un avantage parce qu'Emmanuel Macron devrait, pour un temps du moins, ne plus alimenter de suspicions sur son agenda caché de candidat. Un procès au demeurant très traditionnel sous la Ve République. Ce lundi en conseil des ministres extraordinaire, puis en conseil de défense, il sera d'abord et avant tout le président qui agit pour protéger les Français. Le voilà de manière naturelle, au centre du jeu, bénéficiaire d'un réflexe légitimiste qui expliquerait, selon les sondeurs, un niveau de popularité unique pour un sortant.
Il pourrait même justifier des déclarations solennelles sur le Covid, sans craindre de condamnations pour accaparement du temps de parole. Et par un recentrage du débat sur la politique sanitaire, il compliquera quand même la campagne de ses adversaires. La droite et le Parti socialiste à l'Assemblée nationale, ainsi que le Sénat ne devrait pas faire barrage à la loi sur le pass vaccinal prévue avant le 15 janvier. Pas question d'instrumentaliser la pandémie.
Quel impact sur sa campagne ?
Seulement Omicron n'est pas Delta. Le variant impose un changement de doctrine profond et donc pas sans risque. Déjà accusé de trop miser sur la seule vaccination, le chef de l'Etat devra défendre le juste équilibre de sa réponse. De la précaution, mais pas trop. Parce qu'une vague d'absentéisme sans précédent menace la croissance. Parce que le débat entre préservation de la santé et restriction des libertés va resurgir. Parce que l'hôpital tient, oui, mais jusqu'à quand ?
L'autre risque pour lui, c'est que l'agenda sanitaire écrase l'agenda du candidat et l'oblige, par exemple, à se déclarer trop tard. Après la dinde de Noël, tout le monde s'était donné rendez-vous pour la galette des Rois en janvier, pour le vrai lancement de la campagne présidentielle. Celui où les thèmes de l'élection se cristallisent, où les Français se mobilisent, il est probable que ce sera un faux départ. Une erreur d'agenda, en quelque sorte.