"Merci aux collègues de la République en marche! de me faire l'honneur d'être leur candidat pour la présidence de l'Assemblée nationale. Fort de cette confiance, je porterai un projet de transformation et de modernisation de notre institution, conformément à nos engagements pris devant les Français." C'est par ce tweet que Richard Ferrand a salué les députés de la majorité, lundi midi, après avoir été élu en interne pour briguer le perchoir. Compte tenu des modalités du vote, qui se tiendra mercredi après-midi, le député du Finistère est assuré de passer de la présidence du groupe à celle du Palais Bourbon. Une véritable promotion, alors que son départ du gouvernement il y a un peu plus d'un an ressemblait plus à une exfiltration.
Merci aux collègues de @LaREM_AN de me faire l’honneur d’être leur candidat pour la Présidence de l’@AssembleeNat.
— Richard Ferrand (@RichardFerrand) 10 septembre 2018
Fort de cette confiance, je porterai un projet de transformation et de modernisation de notre Institution, conformément à nos engagements pris devant les Français.
Promotion. Le président de l'Assemblée nationale est en effet le quatrième personnage de l'État, garant de la procédure législative. Il veille au bon déroulement des débats et dispose, par ailleurs, de certaines prérogatives comme celle de saisir le Conseil constitutionnel avant la promulgation d'une loi ou de nommer un membre du même Conseil lors de chaque renouvellement triennal. Ajoutons à cela les avantages financiers (le perchoir rapporte un peu plus de 14.000 euros par mois) et en nature (chauffeurs et officiers de sécurité) et la promotion devient évidente.
Exfiltration. Elle l'est d'autant plus lorsqu'on se souvient de la situation, bien différente, en juin 2017. Ce marcheur de la première heure, pourtant nommé ministre de la Cohésion des territoires, avait dû quitter le gouvernement pour passer à la présidence du groupe LREM à l'Assemblée. Le député était alors empêtré dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne. Et si les éléments de langage allaient bon train à l'époque pour expliquer qu'il était le plus qualifié pour assurer la cohésion d'un groupe de plus de 300 députés, tâche difficile s'il en est, ce changement de poste s'apparentait néanmoins beaucoup plus à une mise en retrait qu'à une promotion. Preuve en est : Richard Ferrand a montré peu d'appétence pour la fonction. Son absence dans les premiers mois de la législature, alors que les députés LREM étaient encore néophytes, et parfois perdus, a été remarquée et très critiquée. Par la suite, son manque d'implication a aussi agacé. "Il n'y a aucune animation du groupe", pestait un pilier de la macronie il y a quelques mois. "Les méthodes managériales ne sont pas les bonnes. Mais de toute façon, est-ce que vous pouvez bien faire un job que vous n'aimez pas ?"
La bénédiction de l'Élysée. Si Richard Ferrand a repris la main, c'est avec la bénédiction de l'Élysée. Officiellement bien sûr, le Palais ne se mêle pas d'une élection interne au pouvoir législatif. En réalité, le conseiller parlementaire de Macron, Stéphane Séjourné, a suivi l'affaire de près, raconte le JDD, qui cite un pilier de l'Assemblée : "L'Élysée soutient évidemment Richard, mais sans passer de coup de fil pour convaincre les députés." Ce qui a été confirmé par Barbara Pompili, adversaire malheureuse du député du Finistère pour le perchoir. La présidente de la Commission des Lois, Yaël Braun-Pivet, elle aussi candidate dans un premier temps avant de changer brusquement d'avis pour apporter son soutien à Richard Ferrand, a également nié toute pression. Et l'annonce de la (large) victoire de l'ex-président de groupe, élu dès le premier tour avec plus de 64% des suffrages, a suscité une vague de félicitations unanimes. "Le résultat est assez clair", a ainsi réagi Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire et soutien de Barbara Pompili. "C'est un choix très net, il faut le respecter."
Les arguments déroulés en faveur de Richard Ferrand maintenant sont les mêmes que ceux dégainés pour saluer son arrivée à la tête du groupe en juin 2017. Son expérience, son "ancienneté" chez LREM et sa connaissance à la fois des institutions et des élus sont mis en avant. "Marcheur de la première heure, il a la légitimité pour mener à bien la modernisation de notre Assemblée", a tweeté Mickaël Nogal, député de Haute-Garonne, lundi.
Toutes mes félicitations à @RichardFerrand, élu candidat de notre groupe à la présidence de l’@AssembleeNat. Marcheur de la première heure, il a la légitimité et l'expérience pour mener à bien la modernisation de notre Assemblée https://t.co/KwtUmOfu81
— Mickael Nogal (@MickaelNogal) 10 septembre 2018
"Vous me pardonnerez de ne pas être une dame". Reste qu'après 246 hommes au perchoir, une partie de la majorité s'était ouvertement prononcée en faveur de la désignation d'une femme. "La Macronie, c'est l'audace. C'est l'ouverture", notait Barbara Pompili lundi matin, juste avant de défendre sa cause face à ses collègues réunis en séminaire au Centre des Congrès de Tours. Richard Ferrand, lui, avait déjà prévu la contre-attaque : "J'ai lu que je n'incarnais pas le renouveau. Parce que j'ai 56 ans ? Parce que j'ai créé et dirigé des entreprises toute ma vie en assumant en parallèle des mandats locaux ? Le renouveau que nous incarnons tous, je l'ai voulu et je l'ai porté. Incarner le renouveau ne se décrète pas, ne s'autoproclame pas, cela se conçoit, cela se crée, cela se fabrique et vous savez combien avec vous j'ai pris ma part à son avènement." Passablement agacé par les salves de questions des journalistes à la sortie du Centre des Congrès, le futur président de l'Assemblée nationale s'est défendu d'être un "chouchou" d'Emmanuel Macron. "Le choix s'est porté sur moi, vous me pardonnerez de ne pas être une dame", a-t-il maladroitement lancé.
À celles et ceux qui éprouveraient quelque déception soigneusement dissimulée, il reste désormais une autre possibilité : faire en sorte que le remplaçant de Richard Ferrand à la tête du groupe LREM soit une remplaçante.