Il était attendu au tournant. Emmanuel Macron a présenté jeudi matin son plan pauvreté, initialement prévu au printemps, puis décalé en juillet et de nouveau en septembre. Le président est régulièrement taxé de mépris, critiqué sur la minceur du volet social de sa politique. Et sa dernière sortie sur le thème de la pauvreté, cette courte vidéo durant laquelle il mentionnait le "pognon de dingue" qui avait fait beaucoup parler, n'avait pas arrangé les choses. Jeudi, son discours a donc été calibré pour rééquilibrer son image sans se renier.
À LIRE AUSSI -Ce qu'il faut retenir du plan pauvreté
Un président proche des gens et pas trop techno. Le président s'est attaché à laisser l'impression d'un homme concret et proche de son sujet. Il n'a cessé de mettre en avant ses rencontres avec des acteurs associatifs ou des personnes touchées par la pauvreté pour étayer son propos. "Frappé" par les "témoignages", le chef de l'État a lancé : "on apprend des personnes pauvres. Ce sont elles qui ont la réponse. Ce que je vous dis, c'est ce qu'elles m'ont fait comprendre et que je ne comprenais pas." À l'inverse, Emmanuel Macron s'est mis en retrait de tout ce qui pouvait faire trop "techno", comme "les chiffres, les rapports", derrière lesquels "trop souvent, on se réfugie".
" Le cœur de la philosophie que je porte, c'est le retour à l'activité. "
"La pauvreté, le déterminisme de tous les déterminismes". Comme une réponse à certaines critiques, qui le dépeignent en "président des riches" méprisant, Emmanuel Macron a pourfendu les idées reçues de "certains concitoyens" : "C'est le discours lancinant sur les profiteurs, les assistés. Quand on est pauvre, c'est qu'on n'a pas choisi. Quand on nait dans la pauvreté, c'est le déterminisme de tous les déterminismes." En revanche, selon lui, le "maquis opaque" des aides pour les plus démunis "nourrit la défiance" et doit donc être revu et simplifié. D'où la proposition d'un "revenu universel d'activité" (qui sera lié aux conditions de ressources, donc pas vraiment universel) en 2020, pour fusionner "le plus grand nombre possible de prestations".
"Assignation à résidence". Tout au long de son discours, le chef de l'État a repris des antiennes de la pensée macroniste, comme l'opposition entre une pauvreté qui enferme et un travail qui libère. "Avec la pauvreté viennent les difficultés dans l'éducation, donc l'accès au travail et à un revenu décent. Avec la pauvreté vient la peur d'être jugé, l'épuisement pour conserver sa dignité. Etre pauvre, ce n'est pas une situation, c'est un combat de chaque instant pour tenter de survivre", a-t-il déclaré. Selon lui, les mécanismes de protection sociale existant n'ont pas permis, "collectivement", d'"enrayer un déterminisme social et territorial, une assignation à résidence". D'un autre côté, "le travail donne une fierté, une place dans la société et permet l'émancipation". "Le cœur de la philosophie que je porte, c'est le retour à l'activité", a expliqué Emmanuel Macron.
Le social-libéralisme à la Macron. C'est bien cet alliage entre, d'un côté, un Etat qui protège, ou est censé le faire, et de l'autre l'exaltation de la réussite individuelle par le travail, qui caractérise la vision social-libérale du chef de l'État. Pour lui, le principe d'un plan pauvreté est l'accompagnement des personnes hors de la misère, et non la distribution d'aides financières. "Je ne veux pas qu'on fasse un plan pour que les pauvres vivent mieux pauvres", a-t-il résumé. "Je veux qu'on leur donne le choix."
" Je crois beaucoup à la métaphore du premier de cordée. Que celui qui monte se souvienne qu'il a une corde qui sert à l'assurer. "
Rééquilibrer sans se renier. Conscient qu'il est très critiqué sur sa gauche (et même parfois au sein de sa propre majorité) pour le manque de politiques sociales au profit de mesures libérales, Emmanuel Macron a néanmoins tenu à ne jamais donner l'impression d'un changement de cap. "Il ne s'agit pas de dire que c'est un formidable tournant social", a-t-il prévenu très rapidement. "Je crois à l'unité de la politique conduite par le gouvernement." Pas de tournant, donc, parce qu'il n'y en a tout simplement pas besoin selon le président, qui réfute tout déséquilibre.
Le retour du premier de cordée. Preuve qu'il assume tout, Emmanuel Macron a repris des éléments de langage déjà utilisés par le passé, notamment la métaphore du premier de cordée qui ne doit pas être ralenti par le dernier, mais ne peut pas non plus avancer sans l'aider à grimper avec lui. "Je crois beaucoup à cette métaphore", a martelé le président. "C'est à dessein que j'ai employé cette formule. Que celui qui monte se souvienne qu'il a une corde, qui sert à l'assurer. Personne n'est premier de cordée si le reste de la société ne suit pas." Tout l'enjeu de ce plan pauvreté est donc d'aider les derniers à grimper plus vite qu'aujourd'hui, et surtout empêcher que d'autres se retrouvent au bout de la corde. L'opposition s'est, elle, empressée de dénoncer un hiatus entre le discours et les actes, la mise en œuvre exacte du plan et ses moyens restant flous.