Depuis de longues années, le spectacle est immuable. Les députés huent, vocifèrent, se lèvent, se moquent… et le président de l’Assemblée nationale, maître d’école de ces élèves dissipés, frappe avec son marteau pour appeler au silence et tenter, parfois en vain, de ramener le calme. C’est ce rôle qui sera attribué mardi à 15 heures. L’un des 577 députés sera élu par ses pairs pour s’asseoir sur le fameux Perchoir, et faire face à un hémicycle volontiers tapageur.
L’office peut sembler ingrat. Mais s’il est si convoité, c’est qu’il n’est dénué ni de pouvoir ni d’intérêt. Quatrième personnage de l’Etat - derrière le président de la République, le Premier ministre et le président du Sénat -, le président de l’Assemblée nationale dispose de larges prérogatives. Et, ça ne gâche rien, de conditions de travail tout à fait appréciables.
- Le chef de l’Assemblée
C’est évidemment au Palais Bourbon que se situe l’essentiel du travail du président de l’Assemblée nationale. Dans l’Hémicycle, c’est lui qui ouvre la séance, la ferme, mais aussi décide, en cas d’incidents ou de débats trop longs, d’une suspension. Avant d’en arriver là, il tente, autant que faire se peut, de maintenir l’ordre, armé de son petit marteau. Il n’est ainsi pas rare de le voir invectiver nommément l’un des députés pour l’enjoindre au silence. Voilà pour le travail dans la lumière.
Coulisses. Mais le plus gros de sa tâche à l’Assemblée nationale se situe dans les coulisses. Le président de l’Assemblée convoque ainsi une fois par semaine la Conférence des présidents, qui décide de l’ordre du jour des travaux parlementaires. Il détermine l’ordre des orateurs en séance, et est le garant du respect du règlement intérieur de l’Assemblée. Enfin, il convoque et préside le Bureau de l’Assemblée, l’instance chargée de l’organisation interne du Palais Bourbon.
Le futur président de l’Assemblée nationale sera aussi le garant de la sécurité intérieure et extérieure de l’organe législatif. A ce titre, il dispose du concours d’un commandement militaire placé sous ses ordres. Enfin, s’il se situe derrière le président du Sénat dans le rang protocolaire, c’est bien lui qui préside le Congrès (réunion de l’Assemblée et du Sénat) lorsque celui-ci est convoqué à Versailles notamment en vue d’une révision constitutionnelle.
- En dehors de l’Assemblée : consultation, nominations, saisines
Consultations. Le président de l’Assemblée nationale est aussi une personnalité que les autres tentants du pouvoir en France doivent consulter. C’est le cas du président de la République quand celui-ci veut mettre en œuvre ses pouvoirs exceptionnels prévus par le célèbre article 16 de la Constitution en cas de menace grave et immédiate de la République. Cet article n’a été appliqué qu’une seule fois, entre le 23 avril et le 29 septembre 1961, par le général De Gaulle, face à la crise algérienne, et qui avait donc dû consulter Jacques Chaban-Delmas, Alors président de l’Assemblée nationale.
Le Premier ministre doit lui se rapprocher du tenant du Perchoir quand il veut imposer des jours de séance supplémentaires à l’Assemblée nationale. Ces sessions extraordinaires sont relativement fréquentes. Enfin, le président de la République, encore lui, doit consulter le président de l’Assemblée nationale, entre autres, quand il veut la dissoudre et provoquer de nouvelles élections. L’exemple le plus récent est l’ouvre de Jacques Chirac, en 1997 :
Nominations. Le président de l’Assemblée nationale dispose aussi de pouvoirs de nominations non négligeables. La plus importante concerne le Conseil constitutionnel lors du renouvellement par tiers de la juridiction suprême il nomme, en même temps que le président de la République et le président du Sénat, l’un des trois nouveaux membres. Celui ou celle qui sera élu(e) mardi pourra donc nommer en 2019 l’un des trois nouveaux Sages. Après consultation, toutefois, de la commission des Lois, comme la loi l’impose depuis juillet 2008.
Le tenant du Perchoir nomme aussi pêle-mêle – et entre autres - deux membres du Conseil supérieur de la magistrature, des membres du Conseil supérieur de l’Audiovisuel, du Conseil général de la Banque de France, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), de l’Autorité des marchés financiers…
Saisines. Dernière prérogative : les saisines. Le président de l’Assemblée nationale peut saisir le Conseil constitutionnel concernant une loi, avant sa promulgation. Il peut aussi saisir le Cour de discipline budgétaire et financière, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de l santé, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
- Traitement et salaire
Deuxième acteur institutionnel le mieux payé. Le président de l’Assemblée nationale est avant tout un député. A ce titre, il touche une indemnité de base, comme tous ses collègues, de 7.209,74 euros. Mais en plus, il touche une indemnité spéciale, non imposable, de 7.267,43 euros. Il faut enfin rajouter l’indemnité représentative de frais de mandat (le très décriée IRFM) de 5.840 euros bruts. Soit une rémunération totale de 20.317,17 euros, qui en fait l’acteur institutionnel le mieux doté de la République, derrière le président du Sénat (20.486,12 euros brut), mais devant le président de la République et le Premier ministre (14.910 euros brut chacun).
Le confortable Hôtel de Lassay. A ce confortable salaire s’ajoute des conditions de travail aisées, dont la moindre n’est pas le logement de fonction, situé dans le très cossu Hôtel de Lassay. Imposante bâtisse érigée au 18ème siècle, possédant une galerie la reliant au Palais Bourbon, la résidence du président de l’Assemblée nationale possède de nombreux salons et une vaste salle des Fêtes permettant d’organiser des réceptions en l’honneur de personnalités ou de délégations étrangères reçues par la France.
Si la présidence de l’Assemblée nationale ne possède pas de budget propre, elle dispose de larges moyens de fonctionnement. Selon René Dosière, ex-député spécialiste des finances publiques, les dépenses annuelles de personnels atteignaient six millions d’euros en 2011. Et d’un budget de fonctionnement, notamment pour organiser des réceptions, d’un million d’euros cette même année. "Ça a dû baisser ces dernières années", précise toutefois l’ex-élu de l’Aisne. Tout en restant confortable.