La rentrée politique s’annonce morose pour la quasi-totalité des partis, celui au pouvoir compris. Et finalement, seuls la France insoumise et son tonitruant leader, Jean-Luc Mélenchon, semblent échapper au marasme ambiant. A l’approche d’un troisième tour social qui s’annonce bouillant, sur fond de réforme du Code du travail, a fait main basse sur l’opposition. Grâce à un activisme constant, sur le terrain et à l’Assemblée nationale, mais aussi à l’incapacité de ses rivaux de sortir de la crise née des dernières échéances électorales.
- FN, PS et LR gèrent leur crise
Ainsi, les Républicains sont toujours traumatisés par leur double défaite à la présidentielle et aux législatives. Et alors même qu’à l’Assemblée, une partie d’entre eux constituent autour de Christian Jacob le groupe d’opposition le plus fourni, les voilà embarqués dans une guerre des chefs potentiellement destructrice. Le grand favori Laurent Wauquiez a toutes les chances d’être élu les 10 et 17 décembre prochains, mais sa ligne dure pourrait créer une nouvelle fracture au sein du parti de la droite, et convaincre les Constructifs, qui se refusent à une opposition systématique à Emmanuel Macron, d’aller voir ailleurs.
Quant aux socialistes, ils sont éparpillés façon puzzle. Une direction collégiale peu identifiée du grand public tente de faire renaître le parti de ses cendres, mais le chemin vers la refondation s’annonce long. D’autant qu’il faudra composer avec Benoît Hamon, qui a quitté le PS pour créer son mouvement, ou encore avec un Manuel Valls revanchard après son éviction pour le moins humiliante. Sans compter François Hollande, qui n’a pas définitivement tourné le dos à la politique, et qui œuvre en coulisses en vue du congrès prévu en février, afin de garder la main sur son parti de toujours. Bref, le PS a d’autres préoccupations qu’incarner l’opposition au président de la République.
Et le Front national, dans tout ça ? Pas grand-chose à en dire, tant son été a été discret. L’infatigable Florian Philippot a bien sûr écumé les plateaux télé et les studios radios, mais Marine Le Pen elle, est restée dans l’ombre, y compris à l’Assemblée nationale. La présidente du FN, élue pour la première fois députée, a, il faut le dire, beaucoup à faire pour conserver l’unité de son parti. Son débat manqué face à Emmanuel Macron a laissé des plaies, que la lettre ouverte de Robert Ménard, publiée mardi dans Le Figaro et réclamant a minima un débat sur le leadership au FN, a ravivées. Pour Marine Le Pen, la priorité, c’est donc sa rentrée politique, programmée le 9 septembre à Brachay, en Haute-Marne.
- Les Insoumis marquent les esprits
Trois oppositions potentielles sur la touche donc, et qui ont laissé et laissent encore le champ libre à la France insoumise. Résultat, selon un sondage Ifop pour le JDD, c’est Jean-Luc Mélenchon qui est considéré à 59% comme la personnalité politique la plus à même (59%) d'incarner l'opposition à Emmanuel Macron dans les années à venir, devant Marine Le Pen (51%), pourtant finaliste de l’élection présidentielle. Benoît Hamon et Laurent Wauquiez (LR), à 27% chacun, Valérie Pécresse (LR, 23%), la maire PS de Paris Anne Hidalgo (19%) et l'ancien président François Hollande (14%), sont beaucoup plus loin.
Pour en arriver là, Jean-Luc Mélenchon n’a pas ménagé sa peine. Les députés de la France insoumise ont été les grands animateurs de la session extraordinaire du 4 juillet au 9 août à l’Assemblée nationale, de happenings en discours choc. Le jeune Adrien Quatennens, 27 ans, a ainsi fait grande impression à la tribune de l’Assemblée, lors d’une allocution remarquée. L’action, en termes strictement législatifs, fut évidemment vain, mais avec 17 députés seulement, La France insoumise a frappé fort.
Et puis il y a le terrain, cette rue que Jean-Luc Mélenchon apprécie particulièrement. C’est là, désormais, qu’il œuvre pour se poser en premier opposant à Emmanuel Macron. En atteste son meeting du week-end dernier à Marseille. Devant près de 2.000 personnes, l’ex-candidat à la présidentielle a donné le ton : "Pas de blabla, du combat", a-t-il lancé. Et c’est dans la rue qu’il a donné rendez-vous le 23 septembre à Paris, non pas contre la réforme du Code du travail, mais contre le coup d’Etat social que met selon lui en œuvre Emmanuel Macron.
Au passage, Jean-Luc Mélenchon a sciemment zappé l’appel à la mobilisation lancé notamment par la CGT pour le 12 septembre. Preuve qu’il ne laissera la place d’opposant principal au président de la République à personne. Pour l'heure, les planètes sont alignées. Mais rien ne dit que les syndicats se laisseront reléguer au second plan. Et que les autres partis politiques ne trouveront pas leur second souffle.