Pendant six mois, la France sera au centre du jeu européen. Cela n'arrive que tous les 13 ans. Un mandat assuré donc par Emmanuel Macron au moins jusqu'au mois d'avril, et que le chef de l'État souhaite marquer de son empreinte. "2022 doit être l'année d'un tournant européen. Notre continent a été tant décrié ces dernières années. On l'a dit divisé, incapable de projets collectifs, en train de sortir de l'histoire", a-t-il affirmé lors de ses vœux aux Français le soir de la Saint-Sylvestre. "Alors même que nous célébrons les vingt ans de la mise en circulation de l'euro, notre monnaie commune qui nous aura donné une stabilité monétaire, une place internationale inédite", a-t-il martelé.
Concernant la pandémie, selon le chef de l'État, "la crise a démontré qu'unie, notre Europe pouvait être non seulement utile, mais porteuse d'espérance pour tous". Une présidence qui tombe en pleine échéance électorale pour la France, alors que l'élection présidentielle se tient en avril prochain. Et pour Patrick Martin-Genier, spécialiste de l'Europe, ça n'est pas nécessairement gênant : "Je crois que les Françaises et les Français sauront faire la part des choses entre la politique intérieure, la politique européenne."
À son sens, il y a un avantage certain : même en supposant qu'Emmanuel Macron souhaite utiliser politiquement cette présidence de l'Union européenne à des fins électorales, dans tous les cas "l'Europe sera au cœur de cette campagne électorale" assure-t-il dans Europe Midi. "Et c'est important aujourd'hui qu'on parle de l'Europe parce que c'est la vie concrète des citoyens." S'agissant du chef de l'État, pour Patrick Martin-Genier "il eut été très regrettable pour lui de se passer de cette présidence" tant "son ADN, c'est l'Europe, c'est l'intégration et la construction européenne".
Une présidence du Conseil des ministres
Il faut être précis sur les contours de cette présidence selon le spécialiste. "Emmanuel Macron n'est pas en tant que tel président de l'Europe, puisqu'il y a un conseil permanent des chefs d'État et de gouvernement", explique-t-il en rappelant que ce dernier est dirigé par le Belge Charles Michel. "Les Affaires étrangères sont dirigées par un haut représentant, l'Espagnol Josep Borrell et Ursula von der Leyen est présidente de la Commission européenne."
Au milieu de ces institutions, la France va présider le Conseil des ministres, "qui sont des sessions spécialisées, c'est-à-dire les conseils des ministres de l'Environnement, des Affaires sociales, de l'Économie". Ces sessions techniques "contribuent au vote des lois européennes", que sont les directives et les règlements. Lors de son mandat, la France "pourra éventuellement jouer son rôle de conciliateur et d'initiateur d'un certain nombre de textes européens" comme "lorsqu'il y aura des directives sur l'environnement, le pacte vert de la Commission européenne ou sur l'asile et la politique d'immigration" énumère le spécialiste.
Réformer Schengen
Emmanuel Macron plaide d'ailleurs pour une Europe capable de protéger ses frontières, et donc une réforme de l'espace Schengen. Une proposition qu'il a évoquée lors de sa conférence de presse du 9 décembre dernier, où il a exposé ses priorités durant son mandat. "Il veut vraiment réformer Schengen : il a même parlé d'une instance politique, d'un pilotage politique de la zone Schengen", raconte Patrick Martin-Genier. "Pour lui, le renforcement de la protection des frontières extérieures pour lutter contre l'immigration illégale est quelque chose d'important."
Un conflit récurrent entre les 27 États membres, "on l'a vu que c'était quelque chose d'essentiel, notamment pour la Pologne qui a fait l'objet d'une guerre hybride de la part de la Biélorussie". Emmanuel Macron est aussi "allé voir Viktor Orban sur ce point" : "On voit bien que la politique migratoire est un sujet essentiel dans les mois qui viennent, car il s'agit de la crédibilité de l'Europe." Comment renforcer les protéger les frontières extérieures de l'Union européenne contre l'immigration illégale ? "C'est un sujet important, sur le plan européen, mais également sur le plan de la politique nationale", conclut le spécialiste.