On ne l'avait plus vu comme cela depuis longtemps. Lundi soir, Manuel Valls était dans sa ville d'Evry pour installer un conseil local de la laïcité. Et le Premier ministre en a profité pour livrer un discours nettement adouci sur l'islam et la laïcité. Celui qui était jusqu'ici plutôt partisan d'une laïcité radicale pour contrer l'islamisme radical a tenu à rassurer et se poser en rassembleur de la communauté nationale.
Apaisement. "La laïcité n'est pas dirigée contre [les musulmans], elle est là pour les aider, pour les protéger", a-t-il ainsi déclaré. "L'État que j'incarne est là, à leurs côtés." Des propos bien loin de "l'appel à la discrétion" formulé par le Premier ministre cet été, en pleine polémique sur le burkini. Bien loin, aussi, de ses doutes exprimés sur "la compatibilité de l'islam avec la République, qui reste à démontrer". Manuel Valls ne stigmatise plus, il apaise.
Dégâts des confessions. Une seule explication à ce changement de ton soudain. Il y a une semaine, lorsque le locataire de Matignon a quitté la France pour partir en voyage officiel au Canada, il croyait encore à la candidature de François Hollande en 2017. Aujourd'hui, ce n'est plus cas tant Manuel Valls mesure les dégâts du dernier livre rassemblant les confessions du chef de l'État, Un président ne devrait pas dire ça.
Se préparer sans poignarder. Anticipant une impossibilité de François Hollande, le Premier ministre prépare et pousse donc sa candidature. Son message au président est limpide : il est "cramé" et devrait le laisser y aller. Mais si Manuel Valls veut le convaincre de renoncer, il n'ira pas non plus contre lui. C'est la limite que s'est fixée celui qui a bâti son image de Premier ministre sur la loyauté et refuse d'être un Brutus à l'image d'Emmanuel Macron. Mais sa situation est d'autant plus inconfortable : il lui faut se préparer sans poignarder.
Changer de posture. Cela implique de changer de posture. D'être plus rassembleur, comme il a tenté de l'être lundi soir à Evry, mais aussi de prendre un peu de distance, de liberté vis-à-vis de François Hollande. "Ayons de la pudeur et de la hauteur de vue", a-t-il confié aux journalistes qui le suivaient au Canada. Une critique implicite aux confessions triviales du "président normal". Pour la première fois depuis le début du quinquennat, Manuel Valls semble croire que le président n'ira pas. Et il ne laissera passer ni sa chance, ni un autre Emmanuel Macron ou une autre Ségolène Royal.