Présidentielle : Macron creuse son sillon en égratignant "Thatcher" et "Trotski"

Emmanuel Macron en meeting à Bercy (1280x640) GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Emmanuel Macron était lundi soir à Bercy, devant plus de 20.000 personnes, pour son plus gros meeting de campagne. © GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
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, à l'AccorHotels Arena , modifié à
Alors que nombre de ses adversaires tapent plus dur à l'approche du scrutin, le candidat d’En Marche! a préféré donner un discours moins offensif, lundi, à Paris, dans la droite ligne de ses meetings précédents.
REPORTAGE

Chacun sa stratégie dans la dernière ligne droite de la présidentielle. Certains candidats tentent le tout pour le tout, sortent de la tranchée et pilonnent sans relâche les lignes ennemies. D’autres, au contraire, tiennent fermement les positions sans intensifier le feu. Emmanuel Macron, en meeting lundi à Paris, a clairement choisi la seconde option.

Un discours semblable aux précédents. Le fondateur d'En Marche!, pourtant visé par des tirs nourris de critiques et des campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux, a déroulé, lundi, à l'AccorHotels Arena de Bercy et devant "plus de 20.000 personnes" selon son équipe, un discours très semblable à ceux tenus lors de ses précédentes réunions publiques. Déclaration d'amour à la "France ouverte, confiante, conquérante", puis à ses sympathisants et à sa femme ; volonté de rassembler "les progressistes de tous bords" et de voir les "réformateurs enfin réunis" ; agrégation du "meilleur de la gauche, (du) meilleur de la droite, et même (du) meilleur du centre" : l'intégralité du lexique macronien a bien été utilisé pendant une heure et demie. Le name dropping consensuel, de Bob Dylan à Jacques Chirac en passant par Lech Walesa, Charles de Gaulle et Pierre Mendès-France, était également de rigueur.

Des attaques très sages. Une campagne qui se durcirait dans les derniers jours, très peu donc pour Emmanuel Macron. L'ancien ministre de l’Économie a relativement épargné ses adversaires, se gardant de les nommer. Tout juste a-t-il fustigé ceux qui souhaitent "conquérir le pouvoir pour durer et, parfois, échapper à leurs tracas", allusion à François Fillon et Marine Le Pen, tous deux touchés par une affaire d'emplois fictifs. Jean-Luc Mélenchon n'aura eu, pour sa part, aucun mal à se reconnaître dans le candidat qui promettrait, selon Emmanuel Macron, "Cuba sans le soleil ou le Venezuela sans le pétrole". La phrase, recyclage de ce que le secrétaire général adjoint de l'Élysée de l’époque avait dit à François Hollande à propos de son projet de taxe à 75 %, finalement abandonné, paraît bien sage par rapport aux missiles envoyés depuis les autres camps politiques.

"Il faut juste parler aux Français". La stratégie est parfaitement assumée par l’entourage d’Emmanuel Macron. "On ne droitise pas, on ne gauchise pas. Il faut juste parler aux Français", résume le porte-parole d'En Marche!, Benjamin Griveaux. Pas question de sortir des mesures de dernière minute, "les gens n'y croiraient pas". Nul besoin de pilonner l’adversaire, qui se chargera tout seul, veut-on croire, de s’auto-radicaliser et de perdre des électeurs en route. Ainsi, les récentes déclarations de François Fillon sur la possibilité d'intégrer à son futur gouvernement des membres de Sens Commun, l'association politique conservatrice issue de la Manif pour tous, sont du pain béni pour Emmanuel Macron. "Pour une fois qu'il fait campagne avec un peu de sincérité…", glisse Benjamin Griveaux. Pour lui, "Fillon se rétrécit sur sa base. Pas sûr que ça rassemble. Je crois qu'il y a beaucoup d'indécision à droite, surtout du côté de la droite sociale et européenne."

" Fillon se rétrécit sur sa base. Pas sûr que ça rassemble "

Quant à Jean-Luc Mélenchon, on veut croire chez En Marche! que sa hausse dans les sondages ne survivra pas à l'examen minutieux de ses propositions. "Il est vraiment solide, trè présent et très bon dans les débats", reconnaît Tiefing Sissoko, animateur local du mouvement d'Emmanuel Macron à Choisy-le-Roi. "Mais il ne faut pas se laisser avoir par l'effet médiatique. Les Français regarderont les programmes et feront leur choix."

"En même temps". En attendant, Emmanuel Macron se contente de camper imperturbablement entre les deux et de grossir le trait, refusant de "s’enfermer dans un choix entre Madame (Margaret) Thatcher ou (Léon) Trotski, Fidel Castro ou (Charles) Maurras". Très attaqué sur ses positions rassembleuses pour les uns, floues et imprécises pour les autres, le candidat a fait bloc, allant jusqu'à s'amuser des critiques contre son tic de langage, jugé révélateur par certains, "en même temps".

"Je persiste et je signe", a-t-il lancé. Avec le risque, à force d'être à l'extrême centre, d’apparaître tiède. "Parler à son camp au premier tour pour ne rassembler qu’au second, c’est la vieille grille de lecture mitterrandienne", balaie Benjamin Griveaux, qui ne commente pas les sondages mais rappelle quand même que son candidat a pris 0,5 % dans la dernière enquête Elabe pour BFMTV, quand François Fillon et Jean-Luc Mélenchon ont reculé d'autant…

Crédité de 24 % des intentions de vote, Emmanuel Macron retrouve son meilleur score depuis la mi-mars. À ceux qui auraient été tentés de parler de trou d'air pour l’ancien ministre de l’Économie, un membre de l'équipe de campagne répond en souriant : "Il va falloir trouver un autre élément de langage."