Elle bout d'impatience de s'expliquer et a déjà remis en cause la "partialité" du tribunal... Marine Le Pen sera lundi après-midi à la barre, pour son premier interrogatoire au procès des soupçons d'emplois fictifs d'assistants parlementaires du RN, qu'elle conteste formellement.
Lors de la précédente audience, mercredi, après avoir trépigné au premier banc de la salle d'audience pendant l'interrogatoire d'un de ses co-prévenus, elle avait demandé la parole. Pour "deux toutes petites remarques"... qui s'étaient transformées en quinze minutes de démonstration. Sur "la mauvaise foi" du parquet, et "ce dossier", où les mails à charge apparaissent "trente fois" contrairement à ceux à l'avantage du parti. Ou encore pour s'insurger que, quoi qu'on fasse, "tout est suspect". "On ne sait plus comment se défendre !", avait-elle encore lancé à la barre.
L'heure des explications
Les enjeux de cette audience sont lourds pour la leader de l'extrême droite, qui encourt une peine de prison, une lourde amende et surtout une peine d'inéligibilité susceptible d'entraver ses ambitions présidentielles pour 2027. Marine Le Pen est jugée devant le tribunal correctionnel de Paris depuis le 30 septembre, et jusqu'au 27 novembre, aux côtés de 24 ex-eurodéputés du Front national (depuis rebaptisé Rassemblement national), leurs assistants parlementaires et des collaborateurs du parti - le RN comparaissant en tant que personne morale.
Ils sont accusés de détournement de fonds publics, recel ou complicité de ce délit, et soupçonnés d'avoir mis en place ou participé à un "système centralisé" de gestion des "enveloppes" - auxquelles les députés européens ont droit pour rémunérer leurs assistants parlementaires - pour payer des salariés travaillant en réalité pour le parti. "Tout ce que nous avons fait, nous avions le droit de le faire", avait, une fois encore, lancé Marine Le Pen à la barre mercredi. Elle s'est pour l'heure montrée très assidue au tribunal, ne s'absentant que pour le discours de politique générale du nouveau Premier ministre Michel Barnier et les questions au gouvernement à l'Assemblée. Dans le même temps, la triple candidate malheureuse à la présidentielle multiplie les initiatives politiques : elle tenait le week-end dernier un meeting géant à Nice. Pas un mot, toutefois, de ses déboires judiciaires dans son discours.
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"Refroidie"
Les interrogatoires des prévenus n'ont débuté que lundi dernier (les audiences ont lieu les lundis, mardis et mercredis après-midi) mais, déjà, Marine Le Pen est "un peu refroidie", comme elle l'a dit au Point dans un entretien paru jeudi. "J'ai perçu de la part de la présidente (du tribunal) une tonalité de partialité", accuse celle qui ne se prive pas, en marge des audiences, de répéter qu'elle trouve ses juges particulièrement "à charge".
La magistrate qui préside l'audience, Bénédicte de Perthuis, n'a effectivement pas ménagé les premiers prévenus avec leurs explications souvent alambiquées. Notamment les anciens eurodéputés Fernand Le Rachinel ou Bruno Gollnisch (ex-numéro 2 du FN), qui ont mis en avant la "mutualisation" des assistants parlementaires chère au parti, tout en peinant à apporter des preuves d'un travail réellement effectué, pour eux, par leurs assistants parlementaires attitrés.
Parmi ces derniers - fictifs, selon l'accusation - déjà passés devant le tribunal : le garde du corps des présidents du parti Thierry Légier, Yann Le Pen (sœur de Marine Le Pen et mère de Marion Maréchal) ou encore Micheline Bruna, secrétaire personnelle historique de Jean-Marie Le Pen. Si cette dernière a clairement reconnu à la barre avoir été "balancée" de contrats en contrats d'eurodéputés - pour qui elle ne travaillait pas - sans qu'on ne lui demande son avis, les deux autres ont louvoyé entre diverses explications parfois farfelues.
Thierry Légier a longuement décrit les "passerelles" et "le million de bureaux" du Parlement européen. Yann Le Pen, qui était chargée de l'organisation des grands évènements pour le parti, a voulu convaincre qu'elle méritait son salaire d'"assistante parlementaire" de Bruno Gollnisch parce qu'à ces événements du parti... "il est là, il a son écharpe (de député), il parle très souvent d'Europe, Bruno Gollnisch"."Est-ce que ça justifie que ce soit le Parlement qui paie ?", s'était interrogé à voix haute le tribunal.