Claude Guéant comparaîtra-t-il dans le box ? La présence de l'ancien grand commis de l'État, 77 ans, incarcéré à la prison de la Santé depuis plus d'un mois du fait d'une précédente condamnation, reste incertaine : il devrait demander à se faire représenter par son avocat. Il est soupçonné de favoritisme ou de détournement de fonds publics.
Une remise en liberté demandée
Première pour un ancien locataire de Beauvau, Claude Guéant a été écroué le 13 décembre. La cour d'appel de Paris a estimé début novembre qu'il ne réglait pas dans les temps l'amende et les dommages et intérêts qu'il s'est vu infliger en 2017 dans l'affaire des primes en liquide du ministère de l'Intérieur. Il a fait une demande de remise en liberté qui a été examinée mercredi et sera tranchée le 7 février.
Ce passé judiciaire a télescopé le procès des sondages de l'Élysée, qui s'est déroulé en octobre et novembre, entraînant une réouverture rarissime des débats, plus de trois semaines après la fin des audiences.
Il a aussi conduit le parquet national financier (PNF) à alourdir ses réquisitions contre Claude Guéant: estimant qu'il ne "respecte pas les décisions de justice", l'accusation a demandé un an d'emprisonnement, contre six mois auparavant, ainsi que 10.000 euros d'amende pour favoritisme et détournement de fonds publics par négligence.
"Séparation des pouvoirs"
Pendant un mois, le tribunal s'est plongé dans l'exercice du pouvoir sous Sarkozy, en examinant les millions d'euros de conseil politique et études d'opinion facturés par les sociétés de Patrick Buisson et Pierre Giacometti, ainsi que par l'institut Ipsos. L'ancien chef de l'État n'a jamais été mis en cause dans ce dossier, car il est couvert par l'immunité présidentielle garantie par la Constitution.
Mais il a été sommé, dans une décision inédite, de comparaître comme témoin le 2 novembre: lors d'une audience aussi brève que tendue, Nicolas Sarkozy a refusé de répondre aux questions du président Benjamin Blanchet, au nom de la "séparation des pouvoirs".
Pour l'accusation, les dépenses litigieuses ont fait l'objet de favoritisme, car elles ont été attribuées sans publicité ni appel d'offres. En cause: 2,7 millions d'euros pour Patrick Buisson, 2,1 millions pour Pierre Giacometti et 1,5 million pour Ipsos.
Patrick Buisson, 72 ans, ancien influent inspirateur du président, est en outre poursuivi pour détournement de fonds publics, du fait de deux contrats selon lesquels il était rémunéré 10.000 euros par mois pour du conseil et pouvait aussi livrer des sondages à sa libre appréciation.
Entre 2007 et 2009, le PNF a compté 235 enquêtes d'opinion, achetées puis revendues avec des marges de 65 à 71%, pour un bénéfice d'1,4 million d'euros.
"Coutume" depuis De Gaulle
Le ministère public a requis deux ans d'emprisonnement dont un an ferme et 100.000 euros d'amende contre Patrick Buisson, aussi soupçonné d'abus de biens sociaux, ainsi qu'une amende de 550.000 euros contre ses entreprises Publifact et Publi-Opinion.
Pour l'ex-sondeur Pierre Giacometti, l'accusation a demandé six mois d'emprisonnement avec sursis et 70.000 euros d'amende - avec en sus 250.000 euros d'amende pour son entreprise No Com. Une sanction de 500.000 euros a été réclamée pour Ipsos. Le PNF a été plus clément dans ses réquisitions avec celle qui était alors directrice de cabinet, Emmanuelle Mignon (10.000 euros d'amende), comme avec l'ex-conseiller technique "opinion" Julien Vaulpré (5.000 euros d'amende).
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En réplique, la défense a harponné la "fable" des procureurs, plaidant la relaxe générale en arguant qu'en 2007, le code des marchés publics ne s'appliquait pas à l'Élysée, selon une "coutume" se perpétuant depuis De Gaulle. C'est justement sous le quinquennat Sarkozy que seront passés les premiers appels d'offres de la présidence sous la Ve République, ont fait valoir les avocats, dénonçant une volonté d'appliquer le droit de façon "rétroactive" et de sanctionner ceux qui ont "mis de l'ordre".
La défense de Patrick Buisson a aussi réfuté tout détournement d'argent public, assurant notamment que les "marges" appliquées correspondaient en réalité à une partie "secrète" de sa mission pour le chef de l'État.