"Je n'ai jamais corrompu qui que ce soit", a affirmé lundi l'ancien président Nicolas Sarkozy, à l'ouverture du procès en appel de l'affaire des "écoutes", dans laquelle il est rejugé avec son avocat historique Thierry Herzog et l'ex-magistrat Gilbert Azibert. Costume et cravate noirs sur chemise blanche, l'ancien chef de l'État, 67 ans, a acquiescé aux vérifications d'usage avant de contester, "avec la plus grande force", sa culpabilité.
Trois ans de prison, dont un ferme en première instance
Poursuivi pour "corruption" et "trafic d'influence", Nicolas Sarkozy est soupçonné de s'être engagé, en 2014 et via Me Herzog, à soutenir la candidature de Gilbert Azibert à un poste prestigieux à Monaco, en contrepartie d'interventions concernant une affaire alors examinée par la Cour de cassation. En première instance, le 1er mars 2021, les trois prévenus avaient été condamnés à trois ans de prison, dont un an ferme.
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"Je suis ancien président de la République, je n'ai jamais corrompu qui que ce soit et admettons que c'est une corruption étrange, sans argent - pas un centime pour personne, sans avantage - pas un avantage pour personne, et sans victime - puisque personne n'a été lésé", a-t-il lancé d'une voix forte, dans une salle d'audience bondée.
Un honneur "bafoué dans des conditions invraisemblables"
Reprenant les éléments-clés de sa défense, il a aussi tonné : "Quand on est innocent, on est indigné. Je viens ici défendre mon honneur qui a été bafoué dans des conditions invraisemblables. Je viens convaincre la cour que je n'ai rien fait". À sa suite, Me Thierry Herzog, 67 ans, a déclaré vouloir que la cour puisse lui "rendre (son) honneur".
Pendant environ quatre heures, la défense a ensuite fustigé, comme en première instance, une procédure "hors norme" et "déloyale", alors que les trois prévenus, assis au premier rang, acquiesçaient régulièrement de la tête. Fait nouveau, les enregistrements des conversations entre Nicolas Sarkozy et Me Herzog, socle de l'accusation, doivent être diffusés lors de ce deuxième procès, qui doit durer jusqu'au 16 décembre.
Aux origines de l'affaire dite "des écoutes"
L'origine de cette affaire remonte à fin 2013, quand les deux téléphones de Nicolas Sarkozy, qui a quitté l'Élysée l'année précédente, sont "branchés" par les juges chargés de l'enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007. Les enquêteurs découvrent alors l'existence d'une troisième ligne, officieuse, mise en service le 11 janvier 2014 sous l'alias "Paul Bismuth" et dédiée aux échanges entre l'ex-président et son avocat.
Dans ces conversations se dessinent, selon l'accusation, un pacte de corruption noué avec Gilbert Azibert, alors avocat général à la Cour de cassation, accusé d'avoir oeuvré en coulisses pour peser sur un pourvoi formé par Nicolas Sarkozy dans l'affaire Bettencourt, en échange d'un "coup de pouce" pour un poste honorifique à Monaco. Dans cette affaire, "sur le fond comme sur la forme, nous avons assisté à des choses que nous n'avions jamais vues dans les annales judiciaires", a plaidé Me Jacqueline Laffont, conseil de Nicolas Sarkozy.
Qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ?
L'avocate a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant le secret des échanges entre un avocat et son client - un secret que brandit la défense depuis l'origine. Elle a surtout réclamé l'annulation totale de la procédure, en invoquant l'existence d'une enquête préliminaire parallèle, "dissimulée" à la défense, qui l'a "privée" d'éléments "à décharge", violant ainsi "l'égalité des armes".
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Cette enquête a été ouverte en 2014 par le parquet national financier (PNF) afin de trouver la "taupe" qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog que leur ligne "Bismuth" était sur écoute. Dans ce cadre, les fadettes de nombreux avocats ont été épluchées, certains géolocalisés. Elle a finalement été classée sans suite fin 2019 et transmise à la défense en 2020.
Reprise du procès mardi matin
Cette affaire dans l'affaire, dite des "fadettes", a entrainé par ricochet le renvoi en procès de l'actuel garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, pour avoir lancé des poursuites disciplinaires contre trois magistrats financiers. "Vous êtes le dernier rempart" contre un "dysfonctionnement grave" de la justice, a plaidé Me Marie-Alix Canu-Bernard, l'une des avocates de Gilbert Azibert, soulevant une seconde QPC sur ce sujet.
Le parquet général a brièvement demandé à la cour d'écarter l'ensemble de ces arguments, soulignant notamment que, selon la loi, la demande d'annulation était irrecevable car bien trop tardive. La reprise du procès est prévue mardi matin.