Le 9 mai dernier éclatait, en France, un scandale d'une ampleur inédite au sein de la classe politique. Des élues et responsables d'Europe Ecologie-Les Verts accusaient un homme de le leur parti, Denis Baupin, de harcèlement et d'agressions sexuels. Ces révélations avaient provoqué un tollé quasi général, et poussé Denis Baupin à démissionner de son poste de vice-président de l'Assemblée nationale - il est, en revanche, resté sur son siège de député. Près de six mois après, que sont devenues ces femmes qui ont témoigné contre lui ? À quoi ressemble leur vie ? Europe 1 est allé à la rencontre de plusieurs d'entre elles.
Pas de regret. En attendant d'éventuelles suites judiciaires, les femmes qui ont dénoncé leur agresseur ne regrettent pas une seconde d'avoir parlé. D'abord parce qu'elles estiment que cela empêchera Denis Baupin de s'attaquer à une autre femme à l'avenir. Ensuite parce que chacune a reçu des dizaines de témoignages de victimes de harcèlement se disant soutenues, portées par cette prise de parole publique. Prise de parole qui semble bel et bien avoir encouragé d'autres femmes à sortir du silence. Depuis le 9 mai, les appels aux associations spécialisées dans la prise en charge des victimes de harcèlement sexuel au travail ont été multipliés par quatre ou cinq. Un chiffre d'autant plus notable que 95 % des femmes qui franchissent le pas finissent par perdre leur emploi, selon l'association contre les violences faites aux femmes au travail.
Cantonnées au rôle de victime. Aucun remord, donc, mais un regret : il n'est pas facile pour celles qui ont parlé de poursuivre leurs activités politiques comme avant. "Aujourd'hui, très rares sont les micros qui se tournent vers moi pour me poser des questions politiques", confie ainsi Sandrine Rousseau, pourtant secrétaire nationale adjointe d'EELV. Habituées aux échanges avec les journalistes "sur tous les sujets de société, politiques ou économiques", Sandrine Rousseau a peur d'être enfermée dans le rôle de la "victime de Denis Baupin". "Je ne le veux pas. Je suis avant tout une chercheuse en économie, une enseignante à l'université, une militante politique et écologiste. J'ai tout ces combats."
Des élus PS leur tournent le dos. Si les femmes qui ont accusé Denis Baupin peuvent se féliciter d'un soutien sans ambiguïté de leur parti, pour certaines, les amis d'hier sont néanmoins devenus des ennemis. Ainsi d'Annie Lahmer, conseillère régionale en Île-de-France. Son fauteuil à la Région est à quelques centimètres de celui d'Emmanuelle Cosse, femme de Denis Baupin et ministre du gouvernement Valls. Beaucoup de socialistes ne lui adressent donc plus la parole. Et le soutien vient de bords politiques plus inattendus. "Avec Valérie Pécresse, [présidente Les Républicains de la Région, ndlr], nous nous opposons très fort politiquement", raconte-t-elle. "Néanmoins, elle a profité de mon anniversaire pour m'envoyer un SMS dans lequel elle me disait qu'elle n'avait pas eu l'occasion de le faire mais qu'elle me félicitait. J'ai trouvé ça super sympa de sa part", confie Annie Lahmer.
Suspendues à la décision du parquet. Du côté de la justice, ce sont finalement 14 femmes qui accusent l'ancien conseiller de Paris. Parmi elles, quatre ont porté plainte : Elen Debost, Sandrine Rousseau, Isabelle Attard et Véronique Haché. Dix ont seulement témoigné, certaines à visage découvert, d'autres anonymement. Une enquête préliminaire a donc été ouverte et la décision du parquet des suites à donner à l'affaire est toujours attendue. Celui-ci peut décider de classer l'affaire sans suite, ou d'engager des poursuites judiciaires qui ne pourront, quoi qu'il en soit, concerner qu'un seul cas : celui d'Isabelle Attard, qui avait dit avoir reçu des centaines de SMS de la part de Denis Baupin. Elle est la seule pour laquelle les faits ne sont pas prescrits.
Des "risques" qu'il "ne se passe pas grand chose". Mais "il y a de forts risques qu'il ne se passe pas grand chose pour Monsieur Baupin et que, d'ici quelques années, il reprenne peut-être une activité politique", avertit Elen Debost, adjointe au maire du Mans. Une telle issue serait un cataclysme pour les victimes du député. "Nous, on ne pourra pas reprendre comme si de rien n'était. Et si, en effet, il n'y a pas de condamnation, si on ne va pas plus loin que l'enquête préliminaire", Elen Debost confie qu'il lui faudra "chercher la force de continuer à faire de la politique".