Qui sont les "gilets jaunes" candidats aux européennes ?

Ingrid Levavasseur est la tête de liste "gilet jaune" pour les élections européennes.
Ingrid Levavasseur est la tête de liste "gilet jaune" pour les élections européennes. © CHARLY TRIBALLEAU / AFP
  • Copié
Mercredi, une dizaine de "gilets jaunes" ont décidé de se lancer dans la course aux européennes et présenté une liste. Tous ont des influences politiques différentes mais le même profil de "modéré".

Le nom est plutôt bien trouvé : RIC, comme "ralliement d'initiative citoyenne", mais aussi comme "référendum d'initiative citoyenne", l'une des principales revendications de celles et ceux qui manifestent depuis près de trois mois. Mercredi, dix "gilets jaunes" ont présenté un début de liste aux élections européennes. Emmenés par Ingrid Levavasseur, ils sont fonctionnaire, commercial, chef d'entreprise, juriste ou mère au foyer et se veulent "complémentaires" du mouvement social, selon le directeur de campagne, Hayk Shahinyan, au Figaro. Si les quelques-uns qui ont déjà touché à la politique sont issus de familles différentes, tous ont aussi un point commun : un profil de "modéré" au sein du mouvement des "gilets jaunes".

Pouvoir d'achat et démocratie participative

À commencer par Ingrid Levavasseur, 31 ans et tête de liste. Cette aide-soignante, mère divorcée de deux enfants, s'est immédiatement fait repérer après être allée manifester au péage d'Heudebouville, près de sa ville du Pont-de-l'Arche, dans l'Eure. Elle a ensuite écumé les médias, notamment les plateaux de télévision, pour exposer les difficultés des uns et des autres à boucler les fins de mois et demander plus de démocratie participative. Sur sa page Facebook, la jeune femme rousse a notamment mis en avant le sujet de la rémunération du travail, expliquant avoir elle-même hésité à se mettre au chômage, ce qui lui aurait permis d'économiser des frais de garde d'enfants ou d'essence. C'est également une fervente partisane du RIC, et surtout du RIC au niveau local. "On est plus à même de répondre à nos attentes dans nos villes", faisait-elle remarquer dans Paris Normandie le 12 janvier. "[On pourrait] donner notre avis sur la patinoire intercommunale de Louviers ou sur d'autres projets."

Le RIC, et plus largement un développement de la démocratie participative, est aussi mis en avant par Côme Dunis, un commercial de 29 ans en deuxième position sur la liste "gilet jaune". Dans un Facebook Live du 13 janvier, il proposait par exemple de soumettre chaque projet de loi à un vote sur Internet. Geoffrey Denis, fonctionnaire territorial de 38 ans et numéro 10 sur la liste, s'est quant à lui déjà frotté à ce genre de scrutin en ligne. Il s'était en effet porté candidat pour être messager des "gilets jaunes" du Nord. En vain, puisqu'il était le seul candidat et que, voyant que la majorité des votants préféraient se passer de porte-parole, il avait finalement renoncé.

"Il faut infiltrer ce système politique"

Néanmoins, il confiait dès le 20 décembre au "Media" être favorable à l'envoi de "gilets jaunes" aux européennes. "L'arme qu'on a, c'est peut-être de monter une liste", disait-il, tout en assurant : "Moi, ça ne m'intéresse pas personnellement, mais si des gens voulaient le faire, je serais derrière eux." Visiblement, il a depuis changé d'avis. Comme Ingrid Levavasseur, d'ailleurs, qui certifiait à Paris Normandie qu'il n'était "pas envisageable" pour elle de s'engager en politique.

" Ça aurait peut-être été mieux que ce soient les municipales. "

Reste qu'aucun candidat n'a pour l'instant l'air de s'intéresser spécifiquement aux européennes. Aucune idée, aucune proposition n'est réellement liée à cette élection. Les thématiques de l'environnement, de l'agriculture ou encore de l'immigration n'apparaissent pas. Il n'y a pas non plus de vision sur l'intégration européenne, l'avancée de la construction de l'Union. D'abord parce que les "gilets jaunes" assument vouloir organiser des consultations avant d'arrêter des positions. Mais aussi parce que cette liste est, avant tout, un moyen d'exister et de s'organiser politiquement, indépendamment de l'objet du scrutin. "Il faut infiltrer ce système politique pour pouvoir imposer nos revendications", expliquait Côme Dunis dans son Facebook live il y a deux semaines. Et le jeune homme de reconnaître : "On n'a pas de chance que la première élection soit les européennes, ça aurait peut-être été mieux que ce soient les municipales."

Des horizons politiques divers

Certains candidats, ainsi que le directeur de campagne, se sont déjà engagés politiquement par le passé. Hayk Shahinyan a milité un an au Mouvement des jeunes socialistes il y a huit ans. Brigitte Lapeyronie, une conseillère municipale de Seine-et-Marne de 50 ans qui figure en cinquième position, était membre de l'UDI jusqu'en 2013.

Enfin, et surtout, le candidat à la huitième place, Marc Doyer, a longtemps été proche de La République en marche. Ce directeur commercial de 53 ans est membre de Générations citoyens, un parti fondé par l'eurodéputé ex-UDF Jean-Marie Cavada. Mais depuis 2017, il affiche volontiers son goût par le mouvement d'Emmanuel Macron. Comme l'a repéré le journaliste Vincent Glad, il avait affiché sur sa page Facebook une vidéo de lui faisant la bise et offrant du muguet à Brigitte Macron le 1er mai 2017.

En décembre, il se disait à la fois "marcheur" et "gilet jaune". Au même moment, il avait même été candidat à l'investiture LREM aux européennes, alertant le parti sur la nécessité de ne pas mettre des "candidats technos". Depuis, ses réseaux sociaux ont été savamment purgés de toute preuve de sa trop grande proximité avec le parti présidentiel.

"Tu es en train de trahir des milliers de personnes"

Mais le mal est fait aux yeux des détracteurs de cette liste, notamment les autres "gilets jaunes" du groupe La France en colère, emmené par Eric Drouet. Dans un communiqué publié jeudi, ces derniers ont estimé que "voter gilets jaunes c'est voter Macron". Sur les différents groupes Facebook de manifestants, l'initiative est souvent sévèrement jugée. Maxime Nicolle, autre leader du mouvement, a crié à la trahison. "Les européennes, c'est rester dans le système", a-t-il déclaré dans une vidéo publiée mercredi soir. "Je ne sais pas qui t'a racheté Ingrid, qui t'a vendu du rêve, mais tu es en train de trahir des milliers de personnes."

DxrrUuLXQAElXOU

De leur côté, les "gilets jaunes" candidats cherchent à compléter leur liste. Il leur faut encore trouver 69 noms à ajouter aux leurs. Les candidatures sont ouvertes jusqu'à la mi-février.