Alors que la perspective d'un troisième confinement semblait imminente, l'Elysée calme le jeu. Emmanuel Macron ne prendra finalement pas la parole avant le début de la semaine prochaine, ce qui signifie concrètement qu’un reconfinement n’est plus, au moins provisoirement, à l’ordre du jour. A cette temporisation, deux explications : l’émergence des variants du coronavirus et leurs inconnues, et surtout la question de l’acceptation sociale, les informations remontant au chef de l’Etat montrant que les Français sont au bord de la crise de nerfs.
S’il n’en avait tenu qu’aux scientifiques, la France serait déjà sous cloche pour la troisième fois, après le printemps et l’automne derniers. Derrière Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique en tête, nombre de médecins tirent la sonnette d'alarme. Mais si l’Elysée s’offre un délai, c’est d’abord parce qu’il y a un retard dans les chiffres sur les effets du couvre-feu. Ils n’arriveront qu’en fin de semaine. Et Emmanuel Macron veut prendre une décision sur des bases scientifiques.
En jeu, pas un troisième confinement, mais un confinement préventif
Surtout, cette décision ne ressemble pas aux autres. On parle de troisième confinement, mais en réalité, il s’agit du premier confinement d’un genre nouveau : le confinement préventif. Parce que les variants et sa propagation ont fait exploser les références. Les scientifiques disent au chef de l’Etat qu’il faut fermer avant que les chiffres n’explosent. Sauf que les données britanniques sur le variant se fondent sur une période où tout le monde ne portait pas un masque en Angleterre. Forcément, ça change l’analyse. On appelle ça un biais.
D’habitude, le processus est assez clair pour l’exécutif : "les chiffres sont mauvais ; on ferme et on explique comment". Cette fois, c’est différent. La décision est beaucoup plus difficile à prendre. Est-ce qu’il faut laisser les écoles ouvertes, fermer les commerces, empêcher les voyages ? Autant de questions qu’il faudra trancher.
Les Français entre fatalisme et exaspération
Mais l’Elysée prend un autre facteur en compte : l’état de l’opinion. Et les dernières notes des services de renseignement n’ont pas de quoi rassurer le chef de l’Etat. Elles soulignent toutes la lassitude grandissante des Français, dix mois après le début de la crise, avec une majorité de la population qui oscille aujourd’hui entre fatalisme et exaspération. Des Français qui dénoncent, de plus en plus, par ailleurs, l’incohérence de certaines mesures gouvernementales, comme l’instauration du couvre-feu à 18h, jugé inutile.
Il faut aussi tenir compte du ras-le-bol des dizaines de milliers de restaurateurs, cafetiers et propriétaires de salles de sport fermés depuis bientôt trois mois, la dépression de l’ensemble du monde de la culture et la détresse de très nombreux étudiants. Tout cela est potentiellement explosif, glissent plusieurs conseillers d’Emmanuel Macron, qui observent, inquiets, depuis 48 heures, les émeutes aux Pays Bas contre les dernières mesures sanitaires.
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Pression
Dans ces conditions, Emmanuel Macron a parfaitement conscience qu’un nouveau reconfinement ne va pas être simple à faire accepter à des Français, qui semblent, aujourd’hui, davantage, redouter les conséquences économiques de la crise, que le virus et tous ses variants.
Dans le même temps, en coulisses, les partisans du confinement font le forcing. Notamment parce qu’ils craignent qu’un jour la justice ne vienne les inquiéter. Cette pression, qui se joue aussi dans les médias, agace beaucoup Emmanuel Macron. Selon ses proches, le président de la République se donne encore un week-end de réflexion avec toutes ces données. Il s’exprimera dans doute en début de semaine prochaine