La joie est palpable. Dans une interview au Figaro, vendredi, Gérard Larcher a beau juger la copie du gouvernement sur la réforme constitutionnelle "à améliorer", il ne peut dissimuler sa satisfaction. De fait, le président LR du Sénat a quelques raisons de se réjouir. Sur l'introduction d'une dose de proportionnelle, à laquelle il était totalement défavorable, le taux retenu par l'exécutif, de 15%, ne bouleversera pas les équilibres politiques. Quant au cumul des mandats de parlementaires dans le temps, autre chiffon rouge de la droite, "il faudra attendre 2037 et 2038 pour son application", souligne Gérard Larcher dans le quotidien, qui note le "large sourire" du président du Sénat. Autant de points sur lesquels le deuxième personnage de l'État a bataillé pied à pied et habilement manœuvré avec la majorité.
"Un négociateur". D'habileté, Gérard Larcher n'en manque pas. Ceux qui le côtoient le reconnaissent tous, le président est rompu à l'exercice des tractations politiques. "Laurent Wauquiez joue l'opposition frontale à Emmanuel Macron. Gérard Larcher, lui, c'est un négociateur", résume un député de la majorité. "Il y a de la rondeur, de la fluidité chez lui", confirme François Patriat, président du groupe LREM au Sénat.
Gourmand, mais pas trop. En l'occurrence, Gérard Larcher avait des arguments à faire valoir. Car une réforme constitutionnelle se vote soit par référendum, soit avec une majorité des 3/5 du Parlement, réuni en Congrès. Impossible, donc, de court-circuiter complètement la droite sénatoriale pour qui ne veut pas se risquer à se frotter au suffrage universel. Sans compter que "symboliquement, c'est toujours mieux d'arriver à réunir les deux assemblées", reconnaît un député de la majorité. Gérard Larcher s'est donc appuyé là-dessus pour jouer une partition délicate. Il faut être gourmand, mais pas trop. Braquer Emmanuel Macron, c'est finir avec un référendum. Et en demandant aux Français s'ils sont pour le non cumul des mandats dans le temps, la proportionnelle et la diminution du nombre de parlementaires, l'exécutif avait quand même quelques chances d'obtenir une réponse positive.
Tiraillement. La partie est d'autant plus compliquée que Gérard Larcher est pris en étau entre la nécessité de négocier avec l'exécutif et son propre parti, sur une ligne plus dure d'opposition franche. Le chef du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, est ainsi plus tranché que le président du Palais du Luxembourg. Et Gérard Larcher, qui est à la fois président du Sénat et du comité stratégique des Républicains, doit parfois faire le grand écart. "Il part du principe qu'il vaut mieux négocier que se battre, il préfère un compromis plutôt qu'un bras de fer", explique le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille, à L'Opinion. "Mais il doit compter avec des LR de plus en plus combatifs dans l'opposition."
"Il agit, mais je n'ai pas compris dans quel sens." La partie n'est d'ailleurs pas terminée pour le président du Sénat. S'il se félicite dans Le Figaro d'avoir "bien progressé", le premier projet de réforme présenté par le Premier ministre, mercredi, ne le satisfait pas pleinement. La baisse du nombre de parlementaires de 30%, que Gérard Larcher refuse catégoriquement, est encore un casus belli. "Il nous reste des divergences", note le deuxième personnage de l'État. "Je souhaite maintenant que le débat parlementaire permette une révision utile à la France." Entre les lignes, il faut donc lire que les négociations ne sont pas prêtes de s'arrêter. Quitte à en laisser quelques-uns perplexes. "Larcher agit, ça c'est certain, mais je n'ai toujours pas compris dans quel sens", souffle un élu de la majorité. "Si c'est pour arriver à un accord ou pour tout faire capoter." Même si l'hypothèse d'une entente reste la plus probable. "Un accord, ce serait quand même la victoire politique de la droite modérée qu'incarne Gérard Larcher."