Remaniement : Pompili, Bachelot, Dupond-Moretti... ce qu’il faut retenir du nouveau gouvernement

Barbara Pompili
Barbara Pompili est nommée ministre de la Transition écologique. © AFP
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Certains noms étaient attendus. D'autres, beaucoup moins. Le nouveau gouvernement du Premier ministre Jean Castex a été annoncé lundi soir à l'Elysée. Et parmi les (très) grosses surprises, se trouve la nomination de l’avocat Eric Dupond-Moretti au poste de ministre de la Justice.
DÉCRYPTAGE

Le premier gouvernement de Jean Castex a déjà de quoi faire couler beaucoup d'encre. La liste des nouveaux ministres du nouveau Premier ministre est connue depuis lundi soir, et elle réserve son lot de surprises. Europe 1 vous résume ce qu'il faut retenir de ce gouvernement "Castex 1". 

Une énorme surprise : Eric Dupond-Moretti à la Justice

C'est le coup de théâtre du soir. Le grandiloquent et médiatique avocat Eric Dupond-Moretti a été nommé garde des Sceaux, ministre de la Justice du gouvernement de Jean Castex, en remplacement de Nicole Belloubet. Avocat pénaliste de renom, l'un des plus grands de France, fervent partisan de la présomption d'innocence, dont le verbe a défendu Jérôme Cahuzac, Patrick Balkany, Abdelkader Merah, Karim Benzema ou encore Théo, Eric Dupond-Moretti est une personnalité pour le moins clivante. Certaines de ses prises de position, comme celle en faveur de la fermeture de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM), lui ont valu des rapports compliqués avec certains magistrats.

"Je suis surprise, parce que ce n'est pas là qu'on l'attendait. Il me semble qu'il fait un petit coup", commente la journaliste Laetitia Krupa, spécialiste de communication politique, au micro d'Europe 1. "Il va falloir faire attention quand même à ne pas mélanger les styles. La politique reste une pratique particulière, bien qu'on soit en 2020", poursuit-elle. Sa qualité d'avocat peut tout de même se révéler être un avantage dans un contexte tendu. "Il est tout à fait au fait de toutes les difficultés que traverse le système judiciaire. Que ce soient les magistrats, les greffiers, les avocats, la justice est réellement sinistrée", souligne Barbara, avocate et auditrice d'Europe 1.

Barbara Pompili, l'écologiste Macron compatible

L'ancienne d'Europe Ecologie les Verts, Barbara Pompili, devient numéro 3 du gouvernement avec le portefeuille de la Transition écologique. Les prises de positions de celle qui a rejoint La République en marche en 2017 collent parfaitement à la politique verte du président de la République. Elle était par exemple contre les orientations décroissantes et anti-libérales chez les écologistes et s'était abstenue en 2019 sur le traité de libre échange entre l'UE et le Canada (CETA), lors de sa ratification au Sénat.

La nouvelle ministre est une des femmes écologistes qui compte en France, et qui a notamment été à l'origine de la Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires. Barbara Pompili a aussi fait adopter la loi pour la reconquête de la biodiversité. Elle succède donc à Nicolas Hulot et Elisabeth Borne. "Cette nomination a aussi un sens stratégique", estime notre éditorialiste Michael Darmon. "Elle a quand même été dans les tractations, et même pratiquement dans l'organisation, de ce nouveau groupe parlementaire qui a quitté la République en marche et qui s'appelle maintenant Écologie, démocratie, solidarité. Au dernier moment, elle s'est retirée. Donc, on peut imaginer qu'au-delà de ses engagements politiques, elle a aussi ménagé son propre avenir".

La promotion de Gérald Darmanin

C'est également l'un des faits notables de ce nouveau gouvernement : en devenant ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin prend du poids. "C’est symbolique de l'évolution de ce gouvernement et du moment stratégique dans lequel se trouve le président de la République qui entame cette nouvelle étape, c'est-à-dire le début de sa campagne présidentielle", analyse Michael Darmon. Réélu à Tourcoing dès le premier tour des élections municipales en mars, Gérald Darmanin va avoir du travail pour succéder à Christophe Castaner.

"Il doit tout simplement reconstruire des relations avec les policiers. Mais au-delà de ça, Gérald Darmanin a sans arrêt professé le fait qu'il fallait mettre le peuple en avant, son ADN. Donc, il vient aussi réparer, en tout cas tenter de réparer avec Jean Castex ce qui manque à la macronie, qui est beaucoup trop organisée sur le haut de la société et pas assez en bas. De ce point de vue là, on verra s'il réussit", conclut Michael Darmon.

D'autres entrées dont on va entendre parler

Si Eric Dupond-Moretti est la plus grosse surprise, ce n'est pas la seule entrée notable. Sept autres nouveaux ministres ou ministres délégués font leur entrée au gouvernement, notamment Roselyne Bachelot. L'ancienne ministre de la Santé de Nicolas Sarkozy, beaucoup sollicitée par les médias durant la crise liée au coronavirus, devient ministre de la Culture. "C'est une femme qui connaît très bien la politique et qui s'intéresse beaucoup au monde de la Culture, dans lequel elle a une certaine aura", notamment depuis son vote en faveur du Pacs, analyse la journaliste politique Marie-Eve Malouines au micro d'Europe 1. Franck Riester, qui occupait ce poste, est lui clairement "déclassé", puisqu'il est dépossédé de la Culture pour être nommé ministre délégué au Commerce extérieur.

L'entrepreneuse Elisabeth Moreno, nommée à l'Egalité femmes-hommes, fait également partie des nouveaux visages, tout comme Alain Griset aux PME, Brigitte Klinkert à l'Insertion, Nadia Hai à la Ville et Brigitte Bourguignon à l'Autonomie.

Ceux qui restent

Il y a des piliers qui n'ont pas bougé dans ce nouveau gouvernement de Jean Castex, comme Jean-Yves Le Drian aux Affaires étrangères. Alors qu'Emmanuel Macron lui aurait proposé dès vendredi soir l'Intérieur, ce ténor de la Macronie a refusé le poste, préférant rester au Quai d'Orsay. On parlait éventuellement d'elle pour Matignon, mais Florence Parly reste finalement ministre des Armées, où elle pourra mener la révision de la Loi de programmation militaire.

Bruno Le Maire à l'Économie, aux Finances et à la Relance ne bouge pas non plus. Ou presque. "Il est dans une logique de quasi vice-Premier ministre, on va beaucoup se tourner vers lui à la rentrée lorsque le plan de relance va arriver, lors du débat sur le Budget", analyse Michael Darmon. Petite promotion pour Jean-Michel Blanquer, toujours ministre de l'Éducation nationale mais qui récupère également la Jeunesse et les Sports. Un portefeuille élargi pour ce haut-fonctionnaire, alors que Roxanna Maracineanu devient ministre déléguée aux Sports.

Marlène Schiappa troque elle son poste de secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes contre une place de ministre chargée de la Citoyenneté, auprès du ministre de l'Intérieur. 

Ceux que l'on ne verra plus au gouvernement 

Nicole Belloubet, Muriel Pénicaud, Christophe Castaner, Didier Guillaume, poids lourds de l'ancien gouvernement d'Edouard Philippe, ne sont eux pas reconduits dans le nouveau gouvernement de Jean Castex. Sibeth Ndiaye est également remplacée par Gabriel Attal après 16 mois en poste. Elle a refusé des "propositions pour être ministre déléguée" et "retournera à la vie civile", fait savoir son entourage.

Après une vingtaine de mois marqués par la crise des "gilets jaunes", le duo Christophe Castane- Laurent Nuñez passe la main au ministère de l'Intérieur, où de grands chantiers restent en suspens sur fond de malaise persistant chez les forces de l'ordre. Pour les nominations des secrétaires d'Etat, attendues dans quelques jours, "il serait dans l'ordre de choses que Laurent Nuñez soit maintenu", selon l'Elysée. Christophe Castaner quitte lui l'équipe gouvernementale, au moment où le ministère s'apprêtait à rendre public le nouveau schéma national de maintien de l'ordre et surtout le Livre Blanc sur la sécurité intérieure, censé donner le "la" de la politique sécuritaire pour les prochaines années.

Débarquée également, la professeure de droit public et membre du Conseil Constitutionnel Nicole Belloubet, qui a porté une réforme de la justice contestée tout au long de sa mission. Idem pour Muriel Pénicaud, remplacée au ministère du Travail par Elisabeth Borne qui obtient un large portefeuille Travail, Emploi et Insertion. A l'origine de la réforme des ordonnances travail, l'ancienne DRH était aussi critiquée pour sa réforme sur l'assurance chômage et mobilisée sur la question du chômage partiel pendant la crise du coronavirus.