Tous les quatre ans, les Etats-Unis (et le monde entier) ont les yeux rivés sur un petit Etat : l’Iowa. Le territoire du Midwest a donné mardi le coup d’envoi des primaires en vue de la présidentielle de novembre 2016. L’année sera donc largement américaine, avec en juillet la désignation des deux candidats. Pour mieux comprendre les enjeux de cette présidentielle, Europe 1 s’est tourné vers l’historien François Durpaire, spécialiste des Etats-Unis, pour dresser des éléments de comparaison avec la politique française.
Comparer la politique américaine et française, c’est pertinent ? "L’approche comparative peut être intéressante, mais il ne faut pas faire des calques", prévient François Durpaire. "Les Français ont ainsi importé la primaire des Américains mais aux Etats-Unis, cela prend des mois alors qu’en France, c’est plus limité dans le temps". En clair, l’exercice a ses limites, "on est dans deux histoires politiques très différentes", dit encore l’historien.
Réfléchir par thématiques. "On dit souvent les Républicains sont plutôt à droite et les Démocrates à gauche", relève François Durpaire. Mais en fait, "les tendances sont très différentes à l’intérieur de ces deux grosses machines électorales". "Il y aussi plein de thématiques sociétales que nous n’avons pas en France comme le port d’armes ou le droit à l’avortement", poursuit le spécialiste.
En revanche, sur le mariage gay, "la fracture est lisible des deux côtés. En France, la gauche était pour, la droite contre. Aux Etats-Unis, les Républicains y sont hostiles et les Démocrates plutôt favorables". Même constat sur l’environnement. "Mais cela dépend aussi de quel territoire je suis élu", tempère François Durpaire. "Un démocrate, élu dans une terre avec des centrales à charbon, n’aura pas forcément la fibre écologiste".
Trump et Marine Le Pen, Sanders et la gauche. La comparaison entre Marine Le Pen et Donald Trump a souvent été faite. Pour François Durpaire, "les points communs existent notamment sur le plan de la relation à l’identité, le refus de l’immigration et la peur de l’islamisation". Quant à Bernie Sanders, le nouveau challenger d’Hillary Clinton, "aux Etats-Unis, on le traite de gauchiste, mais en France le curseur n’est pas le même. Il réclame, par exemple, des congés payés alors qu’en France, ce n'est même pas un sujet pour la droite. Il veut aussi mettre fin aux droits universitaires prohibitifs alors que nous, nous avons dépassé cela avec des droits universitaires très bas".
Un curseur plutôt décalé à droite ? "Non". Le spectre politique aux Etats-Unis est-il dans ce cas plutôt décalé vers la droite ? Pour François Durpaire, la réponse est clairement non. "D’un point de vue économique, les Etats-Unis sont plus à droite que la France avec un consensus sur l’économie de marché qui est bien plus ancien que la France", assure l’historien. Mais il ajoute : "Sur le rapport à la diversité, c’est le contraire. Le curseur est plutôt à gauche : la France est plus conservatrice, il y a une acceptation plus grande de la diversité aux Etats-Unis. Regardez Marco Rubio, il est Républicain, et il veut une loi pour régulariser les sans-papiers, essayez de faire ça en France à droite, c’est impossible".
Sur le plan des mœurs, "c’est plus difficile à dire". "Il y a un courant évangéliste très fort aux Etats-Unis avec une remise en cause du droit à l’avortement mais, dans le même temps, la Cour suprême a accepté le mariage gay qui avait même été voté par référendum dans certains Etats. Il y a même des Etats qui ont légalisé la marijuana !" Autre exemple : la peine de mort qui "n’est toujours pas aboli aux Etats-Unis. Mais il y a eu un moratoire pendant 10 ans dans les années 1970, à une période où la France n’aurait jamais imaginé l’abolir".
En conclusion, nos sociétés sont des fausses sœurs jumelles", assure François Durpaire. "Nous sommes issus du même mouvement des Lumières mais nous avons aussi de grandes différences".