L'Assemblée nationale a définitivement adopté mardi, à l'unanimité, une proposition de loi visant à mieux protéger le droit à l'image des enfants face aux dérives de certains parents les exposant sans retenue sur les réseaux sociaux. Ce texte consensuel est une réponse aux dérapages dénoncés par des associations, comme celles des "vlogs" (blogs vidéo) tenus par des parents partageant l'intimité familiale, parfois dans une course aux "likes" en quête de revenus publicitaires.
"Vie privée"
Il vise plus largement à "responsabiliser" les parents face au risque d'usages malveillants des images partagées. Et à signifier aux enfants "que leurs parents ne disposent pas d'un droit absolu sur leur image", a expliqué son auteur, le député macroniste Bruno Studer. Députés et sénateurs n'ayant pas réussi à s'accorder sur certains points, c'est la chambre basse qui a eu la dernier mot, avec l'adoption définitive de sa version du texte, soutenue par le gouvernement.
Cette loi introduit la notion de "vie privée" de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale du code civil. Et précise que le droit à l'image du mineur est protégé "en commun" par les deux parents, en tenant compte de l'avis de l'enfant. S'il y a désaccord entre parents, le juge pourra interdire à l'un d'eux "de publier ou diffuser tout contenu relatif à l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent". Dans des cas graves d'atteinte à la dignité d'un enfant, le texte ouvre même la possibilité d'une délégation forcée de l'autorité parentale.
1.300 photographies publiées en ligne avant l'âge de 13 ans
Un juge pourra ainsi confier l'exercice du droit à l'image de l'enfant à un tiers, comme un membre de la famille par exemple, voire dans des cas graves procéder à une délégation totale de l'exercice de cette autorité parentale. L'Assemblée a tenu à maintenir cette disposition que le Sénat jugeait inutile. Les oppositions ont salué mardi le caractère "pédagogique" de la loi, tout en mettant en doute son "impact réel". Plusieurs députés ont reproché à la majorité de procéder par petites touches en matière de protection des enfants dans l'univers numérique, plutôt que par une grande loi.
Selon des chiffres cités lors des débats, un enfant apparaît en moyenne "sur 1.300 photographies publiées en ligne avant l'âge de 13 ans". Et "50% des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux". "Certaines images, notamment les photographies de bébés dénudés ou de jeunes filles en tenue de gymnastique intéressent tout particulièrement les cercles pédophiles", a souligné Bruno Studer. Au-delà des "contenus sexualisés", il a aussi évoqué les cas d'images "susceptibles de porter préjudice à l'enfant à long terme", à l'origine parfois de cyberharcèlement.