Retrait des contenus, amendes, éducation : les principales mesures de la loi contre la haine en ligne

La députée LREM porte la proposition de loi contre la cyberhaine.
La députée LREM porte la proposition de loi contre la cyberhaine. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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avec AFP , modifié à
Les députés ont adopté mardi la proposition de loi de la majorité pour accélérer la lutte contre les contenus haineux. Un texte qui définit les contours de la cyberhaine ainsi que des sanctions sévères.

Mettre fin à "l'impunité des contenus haineux". Tel est l'objectif de la proposition de loi contre la haine en ligne, portée par la députée LREM Laetitia Avia et adoptée mardi à l'Assemblée nationale. Inspirée du modèle allemand, cette loi doit permettre d'assainir les échanges entre internautes. Mais le texte est aussi contesté, notamment par les associations de défense de la liberté numérique qui lui reprochent sa définition trop floue de la haine en ligne. Retrait sous 24 heures des contenus haineux, "bouton" unique de signalement, amendes pour les plateformes récalcitrantes : voici les principales mesures de cette proposition de loi.

Retrait sous 24 heures des contenus haineux

Quel que soit leur pays d'établissement, les opérateurs de plateforme en ligne (Facebook, Youtube…) et moteurs de recherche (Google, Qwant…), dont l'activité sur le territoire français dépassera des seuils déterminés par décret, seront tenus de retirer ou déréférencer dans un délai de vingt-quatre heures tout contenu "manifestement" illicite, après signalement par une ou plusieurs personnes. Ce sera aux plateformes de déterminer la nature haineuse des contenus puis de décider de les retirer ou non.

Les messages, vidéos ou images concernés sont ceux constituant des provocations à des actes de terrorisme, faisant l'apologie de tels actes ainsi que des crimes contre l'humanité, ou comportant une atteinte à la dignité de la personne humaine, une incitation à la haine, la violence, la discrimination. Les injures envers une personne ou un groupe de personnes "à raison de l'origine, d'une prétendue race, de la religion, de l'ethnie, de la nationalité, du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre ou du handicap, vrais ou supposés", seront également bannis. Même sort pour les contenus constitutifs de harcèlement, proxénétisme ou pédopornographie.

Des peines de prison et des amendes

À la place de ces contenus haineux, les opérateurs feront figurer un message indiquant le retrait. Par ailleurs, blocage et déréférencement des contenus illicites dupliqués ("sites miroirs") seront aussi facilités afin d'endiguer leur transmission via les réseaux sociaux.

Par ailleurs, un délit de refus de retrait sera créé : la justice pourra prononcer des amendes jusqu'à 1,25 million d'euros envers les opérateurs. Les éventuels signalements abusifs par les utilisateurs de plateforme seront eux passibles d'un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende. Un parquet et une juridiction seront spécialisés dans la lutte contre la haine en ligne.

Création d'un bouton unique de signalement

Pour faciliter les signalements d'utilisateurs, les plateformes devront mettre en place un dispositif de notification "directement accessible" à partir du contenu litigieux, et "uniforme". D'un réseau social à un moteur de recherche, il sera ainsi facilement reconnaissable.

Les utilisateurs devront indiquer nom, prénom, adresse électronique, la catégorie à laquelle peut être rattaché le contenu litigieux, la description de ce contenu, ainsi que les motifs pour lesquels il doit être retiré, rendu inaccessible ou déréférencé. Ces utilisateurs devront être tenus informés des suites données à leur notification. Les mineurs victimes d'un contenu abusif pourront saisir des associations de protection.

Coopération des plateformes avec les autorités

Les plateformes devront mettre en oeuvre "les procédures et les moyens humains" ainsi que "technologiques proportionnés permettant de garantir le traitement dans les meilleurs délais des notifications reçues", sans effectuer de retraits injustifiés. Elles auront à déployer les moyens nécessaires pour empêcher qu'un contenu illicite devienne viral.

Les plateformes devront aussi rendre compte publiquement des "actions et moyens" mis en oeuvre dans la lutte contre les contenus haineux, ainsi que des "résultats obtenus". Elles auront aussi l'obligation d'informer "promptement" les autorités des activités haineuses, et d'avoir un représentant légal chargé de répondre aux demandes de la justice. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) veillera au respect du devoir de coopération des opérateurs, et pourra, en cas de manquement persistant, prononcer une sanction allant jusqu'à 4% du chiffre d'affaires mondial. Le CSA publiera les mises en demeure et sanctions, ainsi qu'un bilan annuel.

Un volet consacré à l'éducation

La lutte contre la diffusion de messages haineux en ligne devra faire partie du programme scolaire, et la formation des enseignants sera renforcée. Les opérateurs seront tenus, lors de la première utilisation de leurs services par un mineur âgé de moins de quinze ans, de sensibiliser le mineur et ses parents à une "utilisation civique et responsable", et de les informer des risques juridiques en cas de diffusion par le mineur de contenus haineux.

Enfin, un "observatoire de la haine en ligne" sera créé pour assurer "le suivi et l'analyse de l'évolution des contenus" haineux, en lien avec opérateurs, associations et chercheurs.