Sur fond de rivalités, les Jeunes Républicains se cherchent une tête

Laurent Wauquiez
Les Jeunes Républicains attendent une décision de Laurent Wauquiez concernant l'élection de leur bureau national. © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
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Les Jeunes Républicains, sans instances nationales depuis le départ de leur présidente, attendent une décision de Laurent Wauquiez à leur sujet dans une atmosphère tendue.

Que va-t-il advenir des Jeunes Républicains ? Voilà des mois que l'organisme rassemblant les militants de moins de 30 ans du parti de droite marche sans tête. La présidente, Marine Brenier, proche de Christian Estrosi, a en effet été élue députée en juin dernier, avant de filer dans le groupe Les Constructifs, puis de rejoindre le parti Agir. Toute la campagne interne de l'automne a donc été menée sans elle et sans bureau national. Et Laurent Wauquiez, élu avec une large majorité début décembre, ne s'est toujours pas emparé du problème.

Lettre ouverte. Du côté des Jeunes Républicains, on s'impatiente donc. Dès le 18 décembre, 110 d'entre eux avaient signé une longue lettre ouverte à l'attention du leader du parti pour réclamer "l'organisation d'une élection pour le prochain Bureau national". "Laurent Wauquiez s'était alors engagé à les recevoir en janvier, mais il ne l'a pas fait", raconte Geoffrey Carvalhinho, ancien secrétaire général du mouvement et ex-membre du Bureau politique.

"Aucune réponse sur le fond". Ce sarkozyste de toujours précise avoir tenté d'en reparler lors du Bureau politique du 23 janvier, quelques jours seulement avant le Conseil national du parti, en vain. "J'ai levé la main et Laurent Wauquiez a tout fait pour ne pas me donner la parole. Lors du Conseil national [samedi 27, NDLR], j'y suis donc allé au culot et j'ai dit qu'il fallait retrouver un mouvement jeune." Geoffrey Carvalhinho obtient une réponse de Virginie Calmels, une autre de Geoffroy Didier. "Aucune sur le fond" de Laurent Wauquiez, qui ne tranche pas. Ni sur la tenue d'une élection, "ni sur la soirée" qui doit réunir des jeunes après le Conseil national.

La "guerre des soirées". Alors qu'une partie des jeunes avait décidé d'organiser un pot au Havana Café, dans le Ve arrondissement, une autre partie, derrière Aurane Reihanian, chef des Jeunes avec Wauquiez, en avait prévu un autre quelques rues plus loin seulement. Et les deux équipes n'ont cessé de se renvoyer la balle, chacune se proclamant plus légitime que l'autre. Une histoire "ridicule", fustigent aujourd'hui plusieurs responsables des Jeunes Républicains. "Si on doit se demander si on a le droit d'aller boire une bière avec les uns ou les autres, on ne va pas s'en sortir", se lamente l'un d'entre eux. "Quelle image va-t-on donner de nous ?"

" Ces guéguerres, ce n'est pas du tout entre pro et anti-Wauquiez, c'est entre wauquiéristes. Et Laurent Wauquiez n'a rien à voir là-dedans. "

Si elle peut paraître triviale, cette histoire de "guerre des soirées" illustre bien ce qui se joue chez les Jeunes Républicains et les rivalités qui traversent le mouvement. "Il y a des tensions", confirme un jeune. Mais, précise un autre, "ces guéguerres, ce n'est pas du tout entre pro et anti-Wauquiez, c'est entre wauquiéristes. Et Laurent Wauquiez n'a rien à voir là-dedans". Le problème se cristalliserait en réalité autour d'Aurane Reihanian.

Le problème Reihanian. Le leader des Jeunes avec Wauquiez était en effet considéré par beaucoup comme le futur président des Jeunes Républicains. Une évidence, au point que lui-même se présentait ainsi auprès de la presse. Sa proximité avec Laurent Wauquiez, dont il a été l'assistant parlementaire, et son activité pendant la campagne interne, faisaient de lui le candidat tout désigné. Aurane Reihanian fait d'ailleurs l'unanimité sur le "gros travail" qu'il a pu accomplir à ce moment-là. Moins sur le reste.

"Il a parfois des problèmes de comportement, c'est quelqu'un de clivant au niveau du caractère et de la ligne politique", souffle un membre des Jeunes Républicains. À plusieurs reprises, des déclarations du jeune homme dans la presse ont fait bondir son propre camp. D'abord, lorsqu'il soutient dans Libération que "les enfants nés de la PMA ne devraient même pas exister". Aurane Reihanian a beau se défendre, arguant qu'il parlait de GPA, et non de PMA, puis s'excuser, cela ne passe pas. Encore moins lorsque Mediapart rapporte d'autres propos : "La première génération de musulmans, ils ont bossé. Ils ne brûlaient pas des voitures comme leurs enfants."

"Une brèche s'est ouverte". "Cela a déplu à beaucoup de jeunes et de moins jeunes. Beaucoup d'élus locaux ne sont pas en accord avec ça, et moi-même, je ne pourrai jamais assumer de tels propos", explique un membre des Jeunes Républicains. Voir le protégé de Laurent Wauquiez lâché par certains caciques a réveillé les appétits. "Aurane n'était pas forcément apprécié de tous avant et certains en ont profité pour lui taper dessus", regrette un jeune qui pointe la "guerre d'égo" de ceux "qui n'existent que par les Jeunes Républicains". Geoffrey Carvalhinho confirme : "Une brèche s'est ouverte, certains se sont sentis pousser des ailes. Résultat, vous avez 10 ou 15 jeunes qui s'envoient des balles de ping-pong sur les réseaux sociaux et les messageries privées." Pendant que les autres tentent d'éteindre le feu et d'afficher leur unité sur Twitter.

Organiser une élection. Pour mettre fin aux bisbilles, il faut donc se pencher sur le fond et l'organisation de l'élection. Un "passage obligé des statuts", souligne Omar Ben Abderahmen, président des Républicains à l'école de Sciences Po Paris. "Selon les statuts, il faudrait même qu'elle se tienne en mars", précise Geoffrey Carvalhinho. Lui plaide pour "mettre très rapidement tout le monde autour de la table" afin, éventuellement, de changer lesdits statuts.

Les conditions pour se présenter à l'élection sont en effet trop restrictives, selon lui, et ne permettent pas la pluralité des candidats. "Il faut le parrainage de 20 responsables départementaux alors qu'il y en a environ 60 en tout aujourd'hui. Pourquoi ne pas descendre à 10 ?" Jusqu'ici, il n'y avait généralement qu'une liste unique, assez logiquement toujours plébiscitée. "Mais c'était parce qu'on arrivait à faire une liste d'union", souligne l'ancien secrétaire général. Si ce n'est pas possible, "pourquoi ne pas faire une proportionnelle, afin que chaque liste soit représentée ?".

" Pour l'instant, ce sont les fédérations qui tiennent. On aimerait bien pouvoir aller plus loin en s'appuyant sur un bureau national. "

Agir vite. Si Geoffrey Carvalhinho plaide pour une "élection libre et indépendante" qui garantisse un "choix", tous les Jeunes Républicains n'en demandent pas tant. La plupart attendent plutôt que Laurent Wauquiez désigne une tête de liste, qu'ils seront prêts à suivre, quelle qu'elle soit. "Les jeunes sont demandeurs d'une équipe à même de relancer la machine avec deux mots d'ordre : unir et rassembler", résume Omar Ben Abderahmen, qui évoque aussi la possibilité de nommer une direction transitoire, afin de se donner le temps d'organiser l'élection. "Je préfère que du temps soit pris et que les choses soient bien faites", abonde Antoine Sillani, responsable départemental dans le Nord. "Mais il faut que ce soit fait le plus rapidement possible. Pour l'instant, ce sont les fédérations qui tiennent, qui font le travail. Moi, j'ai une fédération qui tourne. Et j'aimerais bien pouvoir aller plus loin en m'appuyant sur un bureau national."

Tous soulignent l'importance que peut avoir un organe de jeunes dans un parti politique. "On a une génération autour de 20-25 ans qui est pleine de talent. L'avenir du parti, il est là", souligne Omar Ben Abderahmen. D'autant que, ces dernières années, LR a mis le paquet du côté de ses moins de 30 ans : le budget des Jeunes Républicains est passé de 10.000 à 60.000 euros par an. Sans compter les 100.000 euros dévolus à l'organisation du campus du Touquet, à l'automne.

Question de priorité. Ne reste donc plus qu'à attendre les instructions de Laurent Wauquiez. De son attentisme, tout le monde n'a pas la même lecture. "Je constate qu'apparemment, la jeunesse n'est pas sa priorité", persifle Geoffrey Carvalhinho. "Je comprends qu'il y ait eu d'autres chantiers prioritaires avant", tempère Omar Ben Abderahmen. "Mais ce qui est sûr, c'est qu'il va prendre une décision dans les semaines à venir."

Décision dont personne, officiellement, ne connaît les détails. Un seul membre des Jeunes Républicains ose un pronostic : "À mon avis, il ne nommera plus Aurane. C'est trop délicat. Et sinon, il lui aurait gardé une place au Bureau politique."