Malgré sa faible notoriété, Edouard Philippe est loin d’être un novice en politique. Maire du Havre depuis 2010, le nouveau Premier ministre, nommé lundi par Emmanuel Macron, a aussi été député entre 2012 et 2017. Et dans l’hémicycle, il n’a pas forcément été exemplaire. D’abord parce qu’il a fait preuve de mauvaise volonté, assumée, au moment de devoir publier son patrimoine. Ensuite parce qu’il n’a pas été, loin s’en faut, l’élu le plus assidu.
- Pas loin du bonnet d’âne
Selon un classement établi par le collectif Regards citoyens et relayé par Capital, Edouard Philippe se classe ainsi 478ème député le plus actif sur 504 ayant effectué un mandat complet. Dans le détail, le nouveau Premier ministre n’est intervenu qu’à dix reprises lors des différents débats législatifs concernant les 404 textes étudiés pendant la mandature, selon le calcul effectué par Marianne. Il n’a posé une question orale, lors des questions au gouvernement, que huit fois en cinq ans, et n’a déposé que six amendements, loin des milliers, voire dizaine de milliers, déposés par certains de ses collègues. Il n’a par ailleurs jamais rédigé la moindre proposition de loi.
Enfin, si sa présence en commission des lois faisait sens eu égard à sa formation de juriste de haut vol, Edouard Philippe n’y a pas été non plus très actif. Il ne s’est ainsi rendu qu’à 124 des 491 réunions de la commission. Il n’y a pris la parole qu’à 25 reprises. Et pas toujours pour des longues tirades, comme le montre le site nosdéputés.fr.
- Pas un supporter de la transparence
On ne peut pas dire qu’Edouard Philippe soit un fervent supporter de la loi sur la transparence des élus adoptée après l’affaire Cahuzac. Prié, comme tous ses collègues, de déclarer la valeur de ses biens et ses revenus des années précédentes, celui qui était alors député-maire du Havre a fait montre d’une mauvaise volonté certaine. Si bien qu’il a même écopé d’un blâme de la part de la Haute autorité sur la transparence de la vie publique, sans conséquence judiciaire toutefois.
"Aucune idée". Mediapart a révélé vendredi les réponses formulées quant à ses biens. Pour son appartement à Paris, ses parts dans une résidence en Seine-Maritime et une propriété en Indre-et-Loire, à chaque fois la même réponse : "aucune idée". Quant à ses déclarations de revenus "à date de l’élection" alors qu’il devait indiquer des montants, il a préféré des réponses écrites. Ses indemnités de maire du Havre et de député ? "Evidemment dans le respect et sous le plafond fixé par la loi", écrit-il. Ses émoluments d’avocat ? "Je ne suis pas certain de comprendre la question. Vous voulez connaître mon taux horaire au jour de l’élection ? Ma rémunération mensuelle moyenne ? Annuelle ?", répond-il avec une certaine provocation.
Quant aux revenus des cinq dernières années, Edouard Philippe fait l’impasse. Il indique bien son activité de directeur des Affaires publiques d’Areva, entre 2007 et 2010 et d’avocat, entre 2011 et 2012, mais en face de ces mentions, il laisse un blanc. Et se contente à nouveau d’imprécisions sur ses indemnités de conseiller général de Seine-Maritime (2008-2012) et de "romancier", pour L’heure de Vérité et Dans l’ombre, écrits avec Gilles Boyer.
"Mauvaise humeur". Interrogé par Mediapart, Edouard Philippe assume. "Comme beaucoup de parlementaires sans doute, j’ai essayé de concilier le respect de la loi et une forme de mauvaise humeur", explique-t-il. Et s’il n’a pas réévalué ses biens, c’est parce que, assure-t-il, il "n’avait pas accès aux bases de données qui permettent une telle évaluation". Le site d’informations en ligne lui suggère qu’il aurait pu faire appel à des experts. "Je n’avais pas l’intention de vendre", glisse-t-il. Avant d’admettre, précise Mediapart, qu’il a finalement bel et bien revendu son appartement situé en Indre-et-Loire.
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