Ce lundi se tient un Conseil Européen de l'Agriculture et de la Pêche à Bruxelles autour de la question de l'avenir de la Politique agricole commune (PAC). Christiane Lambert, présidente de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et présidente de la COPA, principal syndicat agricole européen, était l'invitée d'Europe 1 pour en parler. L'ambition des Etats membres est de créer une nouvelle PAC plus "verte", ce qui selon elle ouvre une période d'incertitude pour les agriculteurs, avec l'arrivée de nouvelles normes et de nouvelles contraintes. Des objectifs qu'il faut selon ses mots "mieux fixer avec les experts que juste au doigt mouillé".
Des objectifs "au doigt mouillé" ?
"Ce qui inquiète les agriculteurs, c'est surtout le niveau des exigences fixées sans aucune étude d'impact en prenant la direction d'une PAC plus respectueuse de l'environnement", a déploré la présidente de la FNSEA. "Depuis une quinzaine d'années, il y a déjà la conditionnalité, le verdissement, c'est à dire des mesures obligatoires pour tous les agriculteurs. Là, la volonté est d'aller plus loin".
Aller plus loin, mais comment ? "Dire, par exemple qu'il faut 25% de produits bio d'ici cinq ans. Est ce que le marché peut l'absorber ? Ou qu'il faut réduire de 50 % les produits phytos. Est-ce qu'il y aura des solutions économiquement tenables ? Ou alors, est-ce que les consommateurs accepteront de payer un peu plus cher ?", s'est interrogée Christiane Lambert. "Ces objectifs, il vaut mieux les fixer avec les experts que juste au doigt mouillé", a-t-elle aussi demandé, rappelant que des évolutions ont "déjà été engagées" : "nous avons réduit les émissions de gaz à effet de serre de 8% en vingt ans, nous produisons 30% de plus de blé avec 20% d'azote en moins."
Concernant les produits phytosanitaires justement, alors que 50% de réduction avaient été annoncés au Grenelle de l'environnement notamment, leur utilisation continue d'augmenter. "Oui, mais qui vous l'a promis ? Des gens qui l'ont dit comme ça, en claquant des doigts. Il faut baisser de 50%, débrouillez-vous. Mais quand aucun moyen n'a été mis sur la recherche pour trouver des solutions, c'était juste une incantation. C'était évident que ça ne marcherait pas", a soutenu Christiane Lambert. "Je pense que les politiques doivent aussi être raisonnables. Lancer des chiffres comme ça, c'est la meilleure manière de décourager et les agriculteurs et les citoyens ! Quand on est sur le terrain, on ne prévoit pas ni la pluie ni le beau temps, ni les attaques de pucerons", a ajouté la présidente de la FNSEA, faisant ainsi référence aux néonicotinoïdes, pesticides tueurs d'abeilles qui ont été complètement interdits, puis maintenant autorisés avec des dérogations.
Bien-être animal : "l'équation volume/prix toujours présente dans nos raisonnements"
L'Union européenne planche aussi sur la question du bien-être animal, qui selon Christiane Lambert "fait partie intégrante du métier d'éleveur", étant elle-même éleveuse de porcs "depuis 30 ans". "Ce qui nous ennuie, par contre, c'est quand on voit la rapidité avec laquelle les choses se mettent en place. Il faut vingt ans pour amortir un bâtiment d'élevage, donc les décisions au claquement de doigts tous les trois ans sont compliquées à suivre pour les agriculteurs".
D'autant que les acheteurs ne seraient "pas toujours au rendez-vous", a-t-elle affirmé, même quand "on essaye d'étiqueter le bien-être animal ou de le faire savoir". "Je vous donne l'exemple des œufs de poules libres. +47% d'achat, c'est vrai, mais on -6% sur le prix. L'équation volume/prix est toujours présente dans nos raisonnements. Donc, le bien être animal : oui, bien sûr, et nous avançons. Mais tout diriger par des injonctions, cela ne colle pas toujours aux réalités de marché ou de comportement des consommateurs", a conclu la présidente de la FNSEA.