«Tenir les bouts de l'omelette», ou comment résumer l'enjeu pour Valérie Pécresse

  • Copié
Nicolas Beytout , modifié à
Chaque matin, notre éditorialiste Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, il s'intéresse à la stratégie de Valérie Pécresse de "tenir les deux bouts de l'omelette", autrement dit l'équation complexe de mêler leadership et diplomatie.
EDITO

En visite sur les terres d'Eric Ciotti, Valérie Pécresse, la nouvelle candidate des Républicains à la présidentielle, a déclaré qu'elle voulait "rassembler toutes les sensibilités de la droite". C’est en effet son principal défi. D'abord pour une simple question de forme : c’est là, qu’avant elle, François Fillon avait échoué, en se fermant aux idées de ceux qu'il venait de battre dans la primaire de l’époque. D'où le petit Tour de France que Valérie Pécresse a entrepris cette semaine, avec escale dans le fief de chacun de ses adversaires : après Eric Ciotti, ce sont Michel Barnier, Xavier Bertrand et Philippe Juvin qui vont successivement recevoir sa visite.

Ne pas froisser, n’oublier personne, c’est le b.a.-ba pour le vainqueur d’une compétition : parce que soigner ses concurrents malheureux, c’est aussi éviter d'humilier leurs électeurs. C'est, comme on dit, mettre les formes.

Sauf qu'il y a de lourdes questions de fond à résoudre.

Exactement. Et là, le défi est beaucoup plus relevé. Cela fait 10 ans que la droite est divisée. La défaite de Nicolas Sarkozy, en 2012, a marqué le retour à l’éparpillement des idées. Il n'y avait plus, à la tête du parti, de leader incontestable, celui qui fait taire les oppositions et aplanit les nuances. Alors, chaque petit chef a pris son petit capital pour tenter de le faire prospérer politiquement. Les uns ont voulu plus de radicalité, plus de régalien, d’autorité. D'autres se sont concentrés sur le plus d’Europe, ou le moins de Bruxelles. D'autres encore ont focalisé sur les problèmes d’immigration.

Et bien sûr, dans ce contexte de grande fragilité du parti, la pression politique de Marine Le Pen d'un côté et d'Emmanuel Macron de l'autre n’a rien arrangé. En somme, la droite républicaine est redevenue les droites, comme ça lui était arrivé plusieurs fois dans l'histoire. Il est là, le grand défi pour Valérie Pécresse : reprendre le leadership sur cette droite plurielle.

Et comment peut-elle faire ? Ou plutôt, est-ce qu’elle a même une chance de pouvoir le faire ?

Il suffit qu'elle se souvienne qu'elle va concourir à une élection à deux tours, et qu'il faut donc procéder en deux temps : d'abord on parle à son camp, ensuite on élargit. En politique, depuis plus d'un siècle, on a une expression pour cela. On dit : "Tenir les deux bouts de l’omelette". D'abord, au premier tour, Valérie Pécresse devra tenir un bout de l’omelette, celui de son camp (l'électorat de droite, y compris celui qui est parti chez Marine Le Pen, puis chez Eric Zemmour). Et ensuite, au second tour, elle devra s’occuper de tenir l'autre bout, celui des électeurs qui sont partis vers le centre et Emmanuel Macron. Le problème, évidemment, c'est que parler à la droite peut faire fuir le centre, et que flatter le centre peut décourager la droite. Et puis, au sein des chapelles de la droite, on en trouvera toujours un pour marquer sa différence, ou pour lequel la candidate n'en fera jamais assez. C’est ce qu’on a pu déceler dans les premières alertes envoyées par Eric Ciotti.

La solution de cette équation impossible tient en un mot : leadership. Celui par exemple que Nicolas Sarkozy avait imposé à sa famille politique. Si Valérie Pécresse arrive à installer l'idée qu'elle peut gagner face à Emmanuel Macron (et faire triompher son camp), alors les troupes se rangeront derrière elle. Les sondages vont jouer un grand rôle dans cette construction de l'autorité de la candidate. Le reste sera affaire de dosage et de traitement diplomatique des différentes féodalités de la droite. Leadership et diplomatie, en somme, comme les deux bouts d'une omelette.