Reconquérir du terrain politiquement et cesser d'être cantonné au rôle de spectateur quand son sémillant ministre de l'Économie s'émancipe sans vergogne de la solidarité gouvernementale pour lancer son propre mouvement. Manuel Valls, plombé par des sondages défavorables, s'apprête à lancer une contre-offensive pour revenir sur les devants de la scène. Pour y parvenir, le chef du gouvernement mise sur ses réflexes d'ancien élu de terrain en allant renouer le dialogue avec les Français.
À la recherche d'une nouvelle formule. Manuel Valls ira donc au contact. En l'espace de deux mois, pas moins de six rencontres seront organisées entre le Premier ministre et la population. Des événements qui se veulent d'un genre nouveau, entre l'échange informel et le meeting politique. Pas de bus affrété, pas d'estrade, pas de discours à dérouler sans contradiction. "Les mécontents pourront dire ce qu'ils ont sur le cœur, la parole ne sera pas confisquée", assure au Parisien le député socialiste de l'Essonne, Carlos Da Silva. Ce proche de Manuel Valls, à la manœuvre, mise sur la spontanéité du chef du gouvernement.
Coup d'envoi à Evry. Le coup d'envoi sera donné devant environ 400 personnes le 18 mai, à Evry, le fief du Premier ministre dans l'Essonne. C'est déjà dans cette ville, dont il a été maire entre 2001 et 2012, que le locataire de Matignon avait dialogué avec des administrés au lendemain des attentats du 13 novembre. Là, également, qu'il avait défendu la prorogation de l'état d'urgence, en janvier, en pleine séance de dédicace de son livre L'Exigence. Cette fois, Manuel Valls devrait mettre l'éducation et la jeunesse en exergue. Viendront ensuite l'innovation et la culture. Une manière de montrer que le Premier ministre a un avis sur tous les sujets, une vision globale de la politique.
Afficher sa loyauté. La marge de manœuvre de Manuel Valls demeure étroite. Lui qui rappelait encore, il y a deux semaines, au magazine Society, qu'il croyait "profondément" au "jeu collectif", ne peut se permettre de faire cavalier seul. Le Premier ministre compte d'ailleurs afficher sa loyauté en s'entourant d'autres ministres et de parlementaires et en défendant bec et ongle la "cohérence" des politiques menées pendant le quinquennat. Mais dans le même temps, le chef du gouvernement espère bien retirer un bénéfice personnel de cette séquence. Outre affirmer ses idées, il compte soigner son image. "Je ne veux pas ressembler à un pasteur luthérien suédois", confiait-il ainsi, la semaine dernière, dans l'avion qui le ramenait d'Australie.
" Je ne veux pas ressembler à un pasteur luthérien suédois. "
Reconquérir le terrain politique. Surtout, le Premier ministre a conscience qu'il lui faut regagner du terrain politique. Après l'avoir un temps préservée, Manuel Valls a vu sa côte de popularité dégringoler ces derniers mois. Selon un récent sondage Elabe, seuls 20% des Français font désormais "confiance" au chef du gouvernement. Alors qu'Emmanuel Macron affiche une popularité insolente et qu'Arnaud Montebourg, dans un retour médiatique remarqué, a posé les premiers jalons d'une future candidature à la présidentielle, Manuel Valls n'a d'autres choix que de sortir les griffes pour être audible.
Un avantage sur Macron. Le Premier ministre est un habitué des déplacements de terrain. Il avait effectué le premier d'entre eux sous le quinquennat Hollande dès la sortie de son premier Conseil des ministres, à l'époque en tant que ministre de l'Intérieur. Depuis, il s'est toujours déplacé rapidement en fonction de l'actualité, battant la campagne avant chaque scrutin électoral. Un travail de proximité qui, selon ses proches, lui donne une longueur d'avance sur Emmanuel Macron. La visite de ce dernier à Orléans pour les fêtes de Jeanne d'Arc a d'ailleurs occasionné quelques commentaires aigres de la part des vallsistes. "Il aura mis 18 mois pour aller à la rencontre des Français", a taclé le sénateur Luc Carvounas sur LCP. "Tant mieux, ça lui apprend le job d'élu local."