"Vive la République", lance le président à la télévision. "Et vivent les grévistes", lui répond-on en cœur dans un petit bar du 10ème arrondissement de Paris. C'est là que, pour la Saint-Sylvestre, une trentaine de grévistes de la SNCF et de la RATP s'étaient donné rendez-vous. Serrés à l'étage, dans une salle moite et à demie éclairée, tendus, ils ont suivi les traditionnels vœux présidentiels en attendant, sans y croire vraiment, un recul d'Emmanuel Macron. En vain, bien sûr. La réforme sera "menée à son terme", a martelé le chef de l'État.
"Tu vas plier, tu vas la retirer ta réforme"
En réponse à ce qu'ils appellent les "vœux d'un président déconnecté", les grévistes ont couché sur le papier une promesse pour 2020. "Tu vas plier Emmanuel Macron, tu vas plier", lance l'un d'entre eux, acclamé par ses camarades. "Parce que ta réforme est injuste et parce que t'as déjà plié pour certains secteurs ! Tu vas la retirer, ta réforme. On n'est même pas contre une réforme mais nous on veut une réforme nivelée par le haut. [Départ à] 60 ans pour tout le monde."
Du côté des centrales, le discours est le même. "Ça n'a pas duré très longtemps", maugrée Julien Troccaz, secrétaire fédéral de Sud-Rail. "Le sujet central, [le président] l'a évoqué de manière très courte. Il n'a fait que confirmer l'arrogance du gouvernement." Pour le syndicaliste, "la première revendication de la majorité des citoyens et des citoyennes", à savoir "le retrait de ce système par points qu'on veut nous imposer", a été oubliée. "C'est un discours honteux. Il ne peut pas arriver, un peu professeur, en expliquant qu'il va se charger de réduire les inégalités. On sait très bien qu'avec ce système [par points], il ne va pas régler les inégalités."
Les réactions ne sont pas plus positives chez les syndicats réformistes. Laurent Escure, secrétaire général de l'Unsa, n'a "pas été surpris" par les vœux présidentiels. Ce qui n'empêche jamais d'être déçu. "Emmanuel Macron montre sa détermination. Il a parlé d'apaisement. Il a dit qu'il fallait respecter les désaccords et je pense qu'on en a un sur la mesure punitive financière de l'âge pivot." Cet âge pivot, "ligne rouge" des réformistes, module dans les faits l'âge de départ à la retraite.
"On verra ce qui se passera la semaine de la rentrée"
L'allocution présidentielle n'a pas non plus convaincu le patronat, à l'instar d'Éric Chevée, de la CPME. "Les commerçant, l'hôtellerie qui ont beaucoup souffert ces derniers temps, tout cela n'a pas du tout été évoqué par le président. Il est passé directement à sa réforme des retraites", regrette-t-il. Avant de rappeler qu'"une grande partie de la France est encore largement impactée, pas seulement en région parisienne. On voit bien que le mois de décembre n'est pas brillant de mon point de vue. C'est vrai que l'économie va mieux depuis deux ou trois ans, que la France recrée des emplois, qu'on a besoin d'optimisme. Il aurait pu dire un mot pour cette partie de l'économie qui souffre actuellement compte tenu de cette réforme et de ces difficultés sociales".
Difficile, dans ces conditions, d'imaginer la fin du bras de fer entre la rue et l'exécutif. Dans leur bar du 10ème arrondissement, les grévistes se félicitent qu'aucune trêve de Noël n'ait été observée. Et rêvent déjà d'un regain de mobilisation le 9 janvier. L'Unsa, elle aussi, pense à la suite. "Le Premier ministre avait dit qu'il y aurait des discussions à partir du 7 janvier sur [la question de l'âge pivot", rappelle Laurent Escure. "J'espère que l'appel du président à un compromis sera un compromis dans le bon sens, c'est-à-dire dans l'intérêt des salariés. On verra ce qui se passera dans la semaine de la rentrée. Si la question de l'équilibre est une mesure punitive et financière, oui, il y aura des actions."