Il est écrit que rien ne sera simple pour Laurent Wauquiez. Malgré l’excellent score (74,64% du voix des adhérents LR dès le premier tour) reçu lors de l’élection à la présidence des Républicains le 10 décembre, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes souffre toujours d’une impopularité tenace, même chez les sympathisants de droite. Il espérait commencer à changer la donne jeudi soir lors de L’Emission politique sur France 2, mais malgré un exercice plutôt réussi, l’audience, catastrophique - moins de 1,5 million de téléspectateurs - est surtout venue confirmer la défiance qu’il suscite dans l’opinion publique. Désormais, c’est un premier Conseil national qui se profile, samedi à La Mutualité, à Paris, dans une ambiance pas forcément au beau fixe.
Déjà une grogne. Ce sera l’occasion pour Laurent Wauquiez de dévoiler un bureau politique de 80 membres, et qui sera présidé par le centriste Jean Leonetti, après le refus de Valérie Pécresse. Ce pourrait être l’occasion de critiques virulentes, notamment de la part de ses anciens adversaires à l’élection de la présidence du parti.
"Tu nous as proposé une représentation au bureau politique inférieure de moitié à ce qui devait ressortir du scrutin de décembre - 10 représentants sur 80, sans compter les membres de droit que tu nommes pour la plupart d'entre eux", ont écrit Maël de Calan et Florence Portelli dans une lettre commune révélée jeudi. "Si Laurent Wauquiez est le premier stalinien de l'histoire de la droite, ce sera sans moi", a prévenu l’ancienne porte-parole de François Fillon dans une conférence de presse. Une grogne que Laurent Wauquiez devra s’attacher à éteindre pour ne pas diviser.
"Il y aura toujours des déçus", tempère Damien Abad, troisième vice-président de LR, joint par Europe1.fr. "Au bureau politique, il faut qu’il y ait un équilibre entre les hommes et les femmes, entre les territoires, les parlementaires et les non-parlementaires, les âges… C’est toujours compliqué", poursuit le député de l’Ain, qui se réjouit que ce conseil national mette fin à cette première phase de reconstruction".
Le pari du shadow cabinet. Le président des Républicains dévoilera aussi samedi la composition de son shadow cabinet, censé contrer le gouvernement d’Emmanuel Macron sur des thématiques précises. "Il y aura deux profils : des jeunes talents" et "des députés compétents sur un certain nombre de sujets techniques", Damien Abad. Le pari est risqué, les précédentes expériences en France n’ayant jamais été couronné de succès.
"L’idée initiale, c’était qu’au lieu d’avoir une armée mexicaine d’une centaine de secrétaires nationaux dont 20 % seulement bossent, on ait une trentaine de personnes, avec des missions temporaires", précise le député de l’Ain à Europe 1.fr. "Après c’est vrai qu’il y a une question sur le nom, qui renvoie à des échecs. Laurent Wauquiez s’est aussi posé la question, et c’est lui qui tranchera. Mais l’idée, c’est vraiment qu’il y ait une structure".
" Son image à tendance à se dégrader, alors qu'il n'est élu que depuis un mois "
"Le shadow cabinet, c’est quelque chose dont on n’a pas l’habitude en France, mais les sympathisants de droite voient plutôt ça d’un bon oeil", tempère Céline Bracq, directrice générale de l’institut de sondage Odoxa, interrogée par Europe 1.fr. "S’il arrive à faire sortir des interlocuteurs très sérieux, très crédibles, ça peut contribuer à le faire gagner lui-même en crédibilité".
Car voilà bien le grand chantier de Laurent Wauquiez pour les semaines, voire les mois à venir : reconquérir les sympathisants d’abord, l’opinion ensuite. "Il est plutôt populaire dans cette catégorie, mais il n’atteint pas vraiment des sommets pour un leader fraichement élu", analyse Céline Bracq. "Le plus inquiétant, c’est que son image a tendance à se dégrader, alors qu’il n’est élu que depuis un mois."
Les pistes : occuper le terrain et adoucir son propos
Ce qu’il faudra corriger d’abord donc, c’est certes une grande impopularité auprès de l’opinion globale, mais aussi un déficit chez les sympathisants de droite. "Il est plutôt populaire dans cette catégorie, mais il n’atteint pas vraiment des sommets pour un leader fraichement élu", analyse Céline Bracq, directrice générale d’Odoxa. "Le plus inquiétant, c’est que son image a tendance à se dégrader, alors qu’il n’est élu que depuis un mois."
"Un déficit de notoriété". Et les audiences de jeudi soir n’incitent pas franchement à l’optimisme. "C’est sûr qu’on a toujours envie de faire mieux. Mais on est hors période électorale et les Français en ont ras-le-bol de la politique", explique Damien Abad. "Après, c’est vrai que ça montre un déficit de notoriété, et que le chemin est encore long", admet le député de l’Ain. "Cela dit, il a fait une très bonne prestation, l’une de ses meilleures. Il a montré qu’il était sans doute le meilleur de sa génération, qu’il avait une détermination à la Sarkozy, que la ligne politique est la bonne."
Le vice-président des Républicains veut s’appuyer sur des éléments perçus lors de cette émission pour combler le déficit de crédibilité de Laurent Wauquiez. "Il faut qu’il continue à creuser son sillon, par des déplacements, des rencontres avec les Français, avec des catégories de la population", explique l’élu.
"Un défaut de crédibilité sur l’économie". Et travailler, surtout. "Il a un défaut de crédibilité, notamment sur l’économie", remarque Céline Bracq, d’Odoxa. "C’est sans doute pour cela que lors de L’Emission politique, il a beaucoup parlé du pouvoir d’achat. Il ne peut pas se concentrer uniquement sur la sécurité st sur l’immigration." Alors Laurent Wauquiez devrait mettre en avant, comme il l’a fait jeudi soir, son action à la tête d’Auvergne-Rhône-Alpes. "Il a tenu ses engagements, de ne pas augmenter les impôts, d’éviter le gaspillage économique, de mettre l’accent sur les apprentis…", énumère Damien Abad. "C’est un message qu’il faut qu’on arrive à marteler".
" Qu'il assume ses convictions, mais avec un vocabulaire plus enclin à la fonction présidentielle "
Marteler donc, mais peut-être avec un peu plus de nuances. Car Laurent Wauquiez est un personnage clivant, pas avares de formules chocs. Là encore, sa contrition sur le "cancer de l’assistanat" jeudi soir, n’est sans doute qu’un début. "Il a montré qu’il était capable d’évoluer, il a aussi émis des doutes sur la PMA", relève Damien Abad. "Il faut qu’il assume ses convictions, c’est important, mais peut-être avec un vocabulaire qui soit plus enclin à la fonction présidentielle".
Les Européennes, premier test. Et le premier test, pour voir si la stratégie paye, ce sera pour mai 2019. Même si Laurent Wauquiez ne sera pas tête de liste de son parti pour les Européennes, il sera tributaire du score de son camp. D’ici là, à charge pour lui et ses équipes de dégager une ligne. "Il y a une vraie place entre le fédéralisme de Macron et le souverainisme eurosceptique de certains", glisse Damien Abad, qui admet : "Il faut vraiment qu’on réussisse ces élections".