Valérie Pécresse avait soigneusement préparé ses punchlines pour réagir, jeudi matin, sur RTL, au scandale des enregistrements de Laurent Wauquiez. Elle a notamment rebondi sur les propos du patron des Républicains, qui avait qualifié, pendant un cours à l'EM Lyon, une réforme de l'ancienne ministre de l'Enseignement supérieur de "connerie". "J'aimerais bien, moi aussi, faire de l'humour sur les réformes que Wauquiez a fait au gouvernement mais malheureusement, j'ai bien cherché, j'en ai pas trouvées", a-t-elle lancé, se disant "consternée par ces propos parce qu'ils divisent et ils affaiblissent la droite". "Je crois qu'on le voit très clairement aujourd'hui, il y a deux droites", a ajouté Valérie Pécresse. "Une droite des décibels et une droite de la crédibilité."
"Décibels" contre "crédibilité". Derrière les bons mots, il y a donc surtout un positionnement. Et un duel que Valérie Pécresse s'attache à dessiner : à Laurent Wauquiez les "décibels", l'écume, le tapage médiatique ; à elle la "crédibilité". "Elle s'oppose, mais en proposant", défend l'un de ses proches, Geoffrey Carvalhinho. Si l'élu municipal de Pantin, adepte des métaphores sportives, salue un "revers à la Federer" qui aura laissé Laurent Wauquiez impuissant sur le court, il préfère se concentrer sur les idées dont, assure-t-il, la présidente de la région Île-de-France ne manque pas. "Avec elle, ce sera une par semaine. Comme avec Nicolas Sarkozy."
Valérie Pécresse a d'ailleurs déjà commencé à s'exprimer tous azimuts, tendant la main à la maire de Paris, Anne Hidalgo, pour réfléchir à une solution concertée pour les voies sur berges, et dévoilant des propositions jeudi sur les déserts médicaux.
" Le mouvement Libres! de Valérie Pécresse permet de retenir des gens qui ont envie de partir de LR. "
En retrait. En réalité, le Wauquiez Gate donne une occasion à Valérie Pécresse de revenir sur le devant de la scène. Elle avait fait le choix de se mettre en retrait l'année dernière, renonçant à briguer la présidence du parti face à l'Auvergnat. Officiellement car elle avait promis, en remportant la région Île-de-France en 2015, de s'y consacrer entièrement. Officieusement, il n'y avait que des coups à prendre dans la campagne interne d'un parti démoralisé par la présidentielle, où Laurent Wauquiez semblait avoir plié le jeu d'entrée.
Opposition en interne. Désormais, Valérie Pécresse peut se faire entendre au moindre faux pas du président. Mais cette petite musique ne sera jouée qu'au sein des Républicains. Pas question, pour la présidente d'Île-de-France, de lâcher le parti. "Je suis libre", a-t-elle expliqué, en allusion au nom du mouvement "associé" à LR qu'elle a fondé, Libres!.
Est-ce une position tenable ? D'autres responsables LR ont préféré quitter le parti dont ils ne cautionnent plus la présidence. Mais pour Geoffrey Carvalhinho, "l'histoire de la droite, c'est celle d'une composition. Toutes les sensibilités doivent être respectées", des plus conservateurs aux plus progressistes. "Et puis c'est important d'apporter des idées nouvelles au sein des Républicains. C'est ce qui a manqué pendant la campagne. Cela met du baume au cœur de la droite."
"Retenir des gens qui ont envie de partir". L'élu municipal voit par ailleurs un autre avantage à ne pas faire sécession. "Le mouvement Libres! permet de retenir des gens qui ont envie de partir." Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France, a ainsi annoncé sa démission avec fracas mardi, après avoir entendu Laurent Wauquiez assumer ses propos enregistrés ("ses errements et sa violence verbale", a corrigé Dominique Bussereau sur Twitter). "Mais il reste dans l'organigramme de Libres!, où il est conseiller spécial de Valérie Pécresse, donc dans la droite républicaine", précise Geoffrey Carvalhinho. "Le mouvement permet aussi de capter des membres de la société civile ou du monde associatif." Bref, de rassembler.
Puisque @laurentwauquiez assume ses errements et sa violence verbale j’en tire les conséquences : j’étais en congé de @lesRepublicains ,ce soir j’en démissionne définitivement.@BFMTV@alainjuppe@jpraffarin@vpecresse
— Dominique Bussereau (@Dbussereau) 20 février 2018
C'est bien le rassemblement que Valérie Pécresse souhaite désormais incarner, quand Laurent Wauquiez apparaît toujours plus clivant. Reste que l'espace est mince, du moins dans l'opinion publique : un sondage publié par BFM TV mercredi montre que le président des Républicains n'a pas souffert de la séquence des enregistrements auprès de ses sympathisants. Une écrasante majorité d'entre eux (82%) pensent qu'il a eu raison d'assumer. Pour 69%, Laurent Wauquiez "veut vraiment changer les choses", pour 58% il "comprend les gens" et pour 53% il a les qualités nécessaires pour être président de la République. Autant d'items sur lesquels, loin de perdre du terrain, le patron de la droite gagne des points.