Y aura-t-il une primaire de la gauche avant la présidentielle de 2017 ? Pour l’heure, ce souhait formulé il y a trois mois par plusieurs personnalités dans Libérationpeine à trouver une réalisation concrète, ne serait-ce que dans ses contours. Le Parti socialiste, samedi, et Europe Ecologie-Les Verts, dimanche, réunissent leur conseil national sur ce sujet avant le Parti communiste vendredi prochain. Si le projet ne devrait être enterré par aucune des formations politiques, les conclusions de chaque réunion devrait renseigner sur la faisabilité, à terme, de cette consultation populaire.
Officiellement, les trois grandes composantes que sont les socialistes, les écologistes et les communistes affichent leur bonne volonté. Ils se réunissent même tous les jeudis dans un comité d’organisation qui n’a, force est de le constater, répondu à aucune question sur la tenue du scrutin. Ce week-end, le PS et EELV devraient une nouvelle fois donner leur feu vert à une primaire, mais ils devraient aussi dicter leurs exigences. C’est sur celles-ci que le projet pourrait, devrait même, au final achopper. Car les désaccords sont nombreux.
" C'est un processus intéressant mais il ne doit pas servir à relégitimer la ligne gouvernementale "
Désaccord sur un socle commun. Du côté d'EELV, "on doit s'orienter vers : ‘c'est un processus intéressant mais il ne doit pas servir à relégitimer la ligne gouvernementale’", résume précise le porte-parole du parti Julien Bayou. Pour éviter de devoir faire campagne pour un François Hollande sur une ligne "social-libérale" qu'ils combattent, les écologistes souhaitent ainsi, à l'instar du PCF et des frondeurs du PS, la tenue de débats citoyens qui permettront la définition d'un socle d'"exigences partagées" dont ne pourra s'abstraire le vainqueur.
Cette perspective, forcément, n'enthousiasme guère le PS. "C'est un peu baroque de demander aux citoyens de trancher des débats en disant que ces débats vont être cadrés par un texte", explique ainsi le député Christophe Borgel, chargé de représenter le PS au sein du comité d'organisation transpartisan. Pour Daniel Cohn-Bendit, l’un des initiateurs du projet, la cause est entendue. "La primaire à gauche n’est plus possible" car "le fossé entre toutes les composantes de la gauche et des écologistes ne cesse de grandir", affirmait-il dans Le Monde du 5 avril.
Désaccord sur le calendrier. Si une primaire avait bien lieu, reste à savoir quand elle se tiendrait. Là encore, le flou persiste, même si une tendance se dégage. Le comité d'organisation s'est en effet mis d'accord pour une organisation la première quinzaine de décembre, mais cette date ne semble pas encore validée au PS. Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire des socialistes, a ainsi parlé mercredi dans une interview aux Echos de "la deuxième quinzaine de décembre 2016 ou début janvier 2017".
Le député de Paris se fait là l’écho de François Hollande. Car dans l’hypothèse bien peu probable, où le chef de l’Etat déciderait de se soumettre à l’exercice, il lui serait difficile de se déclarer avant l'issue de la primaire des Républicains, dont le second tour se tient le 27 novembre. L'organisation de la primaire début décembre ne laisserait donc guère d'espace à la tenue de débats avec le président, censé en outre être à sa tâche jusqu'à la fin de son mandat. Le PS ne devrait donc pas valider ce week-end un quelconque calendrier.
" Le Parti socialiste désignera un candidat, pour aller à la primaire de la gauche "
Désaccord sur les candidats. C’est un point qui devrait faire beaucoup parler au conseil national du PS : Pour Jean-Christophe Cambadélis, qui relaye là la parole présidentielle, il ne devait y avoir qu’un candidat issu du PS. "Le Parti socialiste désignera un candidat, pour aller à la primaire de la gauche", a d’ailleurs affirmé le patron des députés PS Bruno Le Roux, habituel porte-voix de l’Elysée, vendredi sur LCP. Mais cette exigence est inacceptable pour la gauche du PS. D’ailleurs, les candidats potentiels sont légion. Marie-Noëlle Lienemann a déjà fait savoir qu’elle en serait, Benoît Hamon l’a également laissé entendre, et Arnaud Montebourg y songe sérieusement. Il faudrait alors que le PS organise une primaire à la primaire. Inconcevable.
Désaccord sur les désaccords. Pour l’heure donc, nombre d’obstacles restent à lever. Mais aucune des trois grandes formations ne veut porter la responsabilité de l’échec d’un processus destiné à unifier la gauche au premier tour de la présidentielle, condition quasi indispensable pour éviter une profusion de candidats et une élimination probable. D’autant que 69% des Français se disent favorables au processus, selon un sondage Elabe publié jeudi. La primaire à gauche ne sera donc probablement pas enterrée ce week-end. Mais ce n’est sans doute qu’une question de mois.