C'est un texte qui suscite la colère des médecins libéraux et le bonheur des autres professionnels concernés comme les infirmiers, les sages-femmes, les kinésithérapeutes et les orthophonistes. Les médecins libéraux manifestent ce mardi à Paris contre la proposition de loi portée par la députée Renaissance Stéphanie Rist qui doit permettre de simplifier l'accès aux soins.
Améliorer la prise en charge des patients
Le texte prévoit l’élargissement des compétences de plusieurs professions. Concrètement, si la loi est promulguée, vous n'aurez plus besoin de vous rendre chez votre généraliste pour obtenir une ordonnance pour des séances d'orthophonie ou de kinésithérapie dans un établissement de santé. Les sages-femmes pourront désormais prescrire des arrêts de travail sans limitation de durée et prescrire des traitements et dépistages à leurs patientes et aux partenaires. Tandis que les pharmaciens auront le droit de dépister le cancer du col de l'utérus directement dans les officines. Un texte censé améliorer la prise en charge des patients.
Une proposition de loi accueillie "avec le plus intérêt" par Sébastien Guérard, président de la FFMKR, pour qui l'accès direct ne pourrait que simplifier leur travail. "Quand vous avez une jeune maman qui arrive devant la porte du cabinet un vendredi soir, avec un nourrisson encombré, soit vous auscultez le petit soit vous l'envoyez aux urgences" en sachant que les établissements hospitaliers sont saturés.
D'après Mathilde Delespine, sage-femme au CHU de Rennes, la proposition de loi porte des revendications avancées depuis longtemps par la profession. "Quand on fait le suivi de grossesse d'une femme enceinte, ça n'a aucun sens de demander au médecin traitant de faire uniquement l'arrêt de travail. C'est une consultation pour rien", estime-t-elle.
Les médecins libéraux dédaigneux ?
Dans le détail, la loi veut aussi élargir les missions des infirmiers et infirmières de pratique avancée (IPA). Ils seront autorisés à faire de la primo-prescription. "C'est là que le bât blesse", déplore Sarah Degiovani, présidente de la Fédération nationale des orthophonistes. "Pour les médecins, ce n'est pas possible d'accepter qu'un autre professionnel, qui a un niveau de formation inférieur, va éventuellement assurer cette permanence dans les territoires ou dans les moments où les médecins ne seront pas ou plus présents."
Certains médecins se sont montrés très critiques à l'égard de cette proposition de loi. Dans un communiqué du 5 janvier dernier, l’Ordre des médecins et les syndicats ont dénoncé une "médecine à plusieurs vitesses". "Ils se trompent de cible", estime le président de la FFMKR. "Leur colère, leur exaspération est le fruit de politiques de santé successives qui ont contribué à organiser la pénurie de médecins, comme ils le décrivent." "On a absolument besoin des médecins, il n'y a aucun sujet. J'ai le plus profond respect pour le travail des médecins mais je trouve que la posture qu'ils tiennent est très compliquée", poursuit Sarah Degiovani.
Une proposition de loi qui a ses limites
Sébastien Guérard comme Sarah Degiovani tiennent à rappeler que cette loi garantit un retour systématique au médecin traitant. "En l'absence de retour au médecin, le professionnel n'est pas payé et c'est nous qui avons porté ces mesures car on est convaincu que le médecin doit rester au centre du dispositif et doit rester le pilote de la coordination. Ce n'est pas une mesure anti-médecin", assure le président de la FFMKR.
Ils soulignent aussi que cette proposition de loi, si elle reste une bonne avancée pour leur profession ne va pas assez loin puisque seuls les kinésithérapeutes, orthophonistes, infirmiers exerçant en maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) peuvent bénéficier de l'accès direct. Un point qui n'est pas de bon augure, avance Sébastien Guérard, puisque cela touche moins de 3% des kinésithérapeutes en France, selon un rapport de l'IGAS en 2021. À Paris, sur 750 orthophonistes, six seront concernés par la loi.