Les innovations en matière de lutte contre le cancer se multiplient, notamment avec l'essor de nouvelles thérapies, mais pas que : l'intelligence artificielle (c'est-à-dire des programmes informatiques qui apprennent, raisonnent, classent, ici notamment des images) peut aussi aider à prendre en charge les patients, en ciblant mieux les zones et les traitements. Le professeur Eric Deutsch, chef du département de radiothérapie à l'Institut Gustave-Roussy à Villejuif, dirige une équipe de recherche constituée de médecins, de mathématiciens, de physiciens, d'ingénieurs. Tous mettent leurs compétences en commun pour améliorer la prise en charge du cancer, notamment grâce à l'intelligence artificielle. Il a présenté leurs avancées mercredi dans l'émission Sans Rendez-vous, l’émission santé d’Europe 1.
Pourquoi utiliser l'intelligence artificielle en cancérologie ?
L'immunothérapie est un procédé qui agit sur le système immunitaire d’un patient pour l'aider à combattre sa maladie. Dans le cas d'un cancer, au lieu de s'attaquer directement aux cellules cancéreuses, l'immunothérapie va aider les cellules du système immunitaire à les reconnaître et les détruire. Une "révolution en cancérologie", souligne le médecin.
Les "principaux médicaments qui sont aujourd'hui utilisés en routine en cancérologie, en immunothérapie, réveillent des lymphocytes qui vont aller induire une immunité anti-tumorale", précise-t-il. Mais pour que ces traitements puissent être efficaces, "il faut qu'il y ait des lymphocytes dans la tumeur et que l'immunothérapie puisse les réveiller. Et malheureusement, les patients pour lesquels il n'y a pas de lymphocytes dans la tumeur ne bénéficient pas d'immunothérapie".
Son équipe a donc mené une étude, en partie financée par la Fondation pour la recherche médicale (FRM) afin de voir s'il était possible, grâce à un programme informatique, de pouvoir déterminer la présence ou l'absence de ces fameux lymphocytes dans les tumeurs.
Quels résultats ?
Cette étude a montré qu'il était possible de prédire la réponse à un traitement contre le cancer. "On a mis en place une banque de données qui était constituée de prélèvements de tumeurs de patients pour lesquels on savait s'il y avait ou pas des lymphocytes. Et on avait en même temps les scanners de ces patients", détaille Eric Deutsch. L'équipe a ensuite "entraîné et développé un algorithme pour, à partir d'une image, être capable de retrouver la présence ou l'absence de lymphocytes dans une tumeur".
Résultat : "On a pu montrer que l'algorithme qu'on avait développé faisait aussi bien que le microscope avec un médecin spécialiste pour voir s'il y avait ou pas des lymphocytes dans la tumeur, et qu'il était capable de corréler (ces données ndlr) avec la réponse au traitement de patients traités par immunothérapie". Depuis, ajoute le professeur, ces travaux ont pu être confirmés par d'autres études internationales.
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Comment des algorithmes peuvent-ils améliorer la radiothérapie ?
Ce n'est pas tout. Si l'intelligence artificielle peut aider à mieux cibler les traitements contre le cancer, le laboratoire utilise aussi l'IA pour améliorer la radiothérapie. "La radiothérapie est un traitement qui a 100 ans, en constante évolution et qui bénéficie des progrès de l'imagerie, de l'informatique et des progrès de la biologie", rappelle Eric Deutsch. "Nous voulons la rendre plus efficace, moins toxique, mieux cibler les zones qu'on veut traiter et mieux définir les doses qu'on veut donner. Et pour ça, l'intelligence artificielle peut nous aider énormément".
En effet, la radiothérapie est le "deuxième contributeur à la guérison des cancers après la chirurgie", utilisée pour la "quasi totalité des tumeurs en pratique courante". L'intelligence artificielle peut donc être utilisée pour de nombreuses applications, ce qui est "déjà une réalité puisqu'on utilise aujourd'hui l'intelligence artificielle pour définir les volumes cibles qu'on veut traiter, quelque chose qui, normalement, est fait à la main. Cela nous fait gagner à la fois énormément de temps et de précision. Plus on est précis, plus on est efficace et moins on est toxique", conclut Eric Deutsch.