Aujourd’hui, on estime à environ 60% des patients du cancer qui sont en rémission ou guérissent. On était encore à 20% à l’après-guerre, et 50% il y a quelques années, avec l’arrivée de la chimiothérapie. Invité du Magazine de la santé, sur Europe 1, Christophe Letourneau, cancérologue à l'Institut Curie, à Paris, estime que l’on pourrait arriver à "70 ou 80%" dans les prochaines années, grâce aux nouvelles thérapies sur lesquelles travaillent actuellement les chercheurs. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
L'injection de métal peut booster les effets des rayons radio
Parmi les pistes de recherche prometteuses, l’une a été présentée récemment dans une étude menée par Christophe Letourneau lui-même, auprès de patients atteints d’un cancer de la gorge. Il s’agit d’un procédé consistant à injecter, sous anesthésie générale, des nanoparticules de métal chez le patient. "Il s'agit de nanoparticules d’hafnium, que l'on injecte dans la tumeur. Ensuite, le patient suit un traitement standard de radiothérapie. Et l'hafnium va multiplier l'effet des rayons", explique le professeur Christophe Letourneau.
Pour l’heure, le procédé n’a été testé que sur 13 patients. Et pour 9 d’entre eux, les chercheurs ont constaté des améliorations considérables. "Les résultats sont encourageants, on va poursuivre le programme. Cela nécessite un plus grand essai", explique le cancérologue.
L’immunothérapie, le grand espoir
Mais la méthode qui fait aujourd’hui l’objet de toutes les attentions, c’est l’immunothérapie. "Ce sont des médicaments avec un mécanisme complètement novateur. Ils ne s'attaquent pas aux cellules tumorales, mais boostent le système immunitaire, qui a son tour va faire le job, à savoir tuer les cellules tumorales", détaille Christophe Letourneau. Pour l’heure, seule une minorité de patients sont réceptifs à ce traitement, peu importe le type de cancers. "L'objectif c'est que ça fonctionne chez tous les patients, c’est l’objet de la recherche", détaille le professeur.
Cette technique est actuellement proposée pour des patients déjà "métastasés", avec un cancer déjà très avancé. "C’est justement dans ces situations qu’on a les meilleurs résultats. Avant, pour ce type de patients, l’espérance de survie était d’un an à peine. Là, on a 20% des patients qui sont toujours en vie au bout de 10 ans grâce à l’immunothérapie. C’est vraiment révolutionnaire, certains patients n’ont même plus besoin de traitements après", s’enthousiasme Christophe Letourneau.
L’immunothérapie a surtout beaucoup moins d’effets secondaires que d’autres traitements, à commencer par la chimiothérapie. "Parfois, l’immunothérapie stimule trop le système immunitaire. Donc cela va provoquer des maladies auto-immunes : le patient va développer des anticorps contre des organes sains. Mais dans la majorité des cas, ce n’est pas très grave et c’est facile à traiter", assure l’oncologue.
"CAR T-cells", révolution génétique ?
Parmi les différentes formes d’immunothérapie, l’injection de "CAR T-cells" soulève particulièrement d’espoir. Ce terme désigne une forme de gêne, que l’on va injecter dans le sang du patient pour l’aider à combattre le cancer. "On prélève d'abord les lymphocytes, les cellules tueuses du système immunitaire. Puis on les modifie génétiquement. Et on les réinjecte aux patients pour qu’elles fassent mieux leur job grâce au gêne injecté, qui va reconnaître et cibler les cellules tumorales", explique Christophe Letourneau.
Ce type de procédé a déjà fait ses preuves chez certaines leucémies de l’enfant, où l’on est passé de 15% de survie sur un an à 85%. Mais aussi dans le traitement de certains lymphomes. En France, une centaine de personnes ont pu récemment en bénéficier gratuitement dans le cadre d’un programme de recherche. Nadine, 64 ans, en faisait partie. Elle était atteinte d’un lymphome depuis cinq ans. "Un mois après l’injection, les résultats étaient déjà bons. Trois mois après, je n’avais pratiquement plus rien. Et six mois après, je suis en rémission totale. Et en forme : je me sens comme une survivante d’un crash d’avion", décrit-elle sur Europe 1. Avant de confier : "Par contre, j’ai culpabilisé lorsque j’ai appris que j’allais faire partie du programme. Je savais que c’était très onéreux (environ 350.000 euros), je me suis dit ‘pourquoi moi’. Et puis je me suis dit que j’avais envie de vivre".
Les traitements traditionnels, à l’instar de la chimiothérapie ou de la radiothérapie, ne sont toutefois pas encore prêts de disparaître. "Ce n’est pas encore envisageable aujourd’hui. Dans quelques années ? C’est un peu tôt pour le dire", assure notre spécialiste. Mais l’espoir est plus que jamais permis.